Par Fabienne Fischer, Conseillère d’Etat en charge du Département de l’économie et de l’emploi, Congrès des Vert-e-s genevois-es du 9 octobre 2021

Chères Amies Vertes, Chers Amis Verts,

C’est la première fois que je m’exprime en tant que Conseillère d’Etat devant le Congrès de notre parti. C’est un honneur, et davantage encore je crois, une joie.

Le 28 mars passé, j’ai été élue au Conseil d’Etat avec votre soutien. Votre soutien sans faille, je dois dire.

Je profite de cette occasion pour vous en remercier une nouvelle fois. Je n’aurais pas pu me faire élire sans vous. Sans vous, non plus, je ne pourrai rien réaliser de sérieux, ni de pérenne dans mes nouvelles fonctions.

Nous avons réussi, pendant la brève campagne que nous avons menée, à rassembler autour de nous bien plus que les écologistes et les socialistes, mais un ensemble de citoyennes et de citoyens, qui ne s’intéressent pas toujours à la politique partisane, mais qui sont inquiets et inquiètes devant le réchauffement de la planète, et de la Suisse en particulier, devant la diminution effrayante de la biodiversité, devant la montée des inégalités et l’augmentation des discriminations, devant la précarisation de leur vie professionnelle, et de celle de leurs enfants.

L’avenir que le GIEC nous prédit est sombre.

Le temps est venu de renforcer notre résilience économique, d’augmenter notre résistance aux pratiques de surproduction et de surconsommation, et si je comprends les activistes de XR, notamment les jeunes et souvent leurs grands-parents, qui prônent le blocage des institutions et la rébellion pour obliger à l’action, vous savez bien que ma position de responsable politique est d’assumer, au jour le jour, la tâche délicate de faire avancer la société dans son ensemble, et de faire voter, par un parlement dont la majorité ne nous représente pas (ni vous ni moi), les budgets et les réformes indispensables à la transition économique. 

Ce qui avait motivé ma candidature, il y a moins d’une année, c’est que je suis persuadée qu’il faut utiliser le levier des entreprises pour mettre sur les rails la transition vers une économie circulaire, durable, solidaire. Et, cela, en créant des emplois nécessaires et non dé-localisables, pour répondre, ici et maintenant, à l’urgence climatique.

Nous avons gagné cette élection, certes, parce que nous avons été portés par la vague verte. Mais pas seulement !  Notre discours pour transformer la crise sanitaire et économique en opportunité pour entrer dans la transition économique et sociale (les deux vont de pair) est un discours d’espoir ; et il a été entendu.

C’est pourquoi, dès mon élection, j’ai demandé un département réunissant la promotion économique (la DG-DERI), l’emploi (OCE) et l’inspectorat des relations de travail (OCIRT), trois leviers essentiels pour mettre en place les changements structurels qui s’imposent.

En quelques mois, j’ai demandé à mon département de préparer un Programme d’accompagnement de la reprise et de la transition de l’économie vers la durabilité.

Ce programme identifie 9 axes prioritaires : des axes transversaux, comme l’innovation, la durabilité, l’emploi et l’employabilité, ou le numérique, des axes sectoriels,  comme l’industrie, le commerce, l’agriculture, et le secteur hôtellerie et événementiel, et enfin la Genève internationale comme pôle d’excellence, notamment en matière de finance durable et de gouvernance du numérique. Chacun de ses axes se décline en mesures concrètes, qui sont en cours d’élaboration en concertation avec les acteurs concernés – les autres départements bien sûr, mais aussi les partenaires économiques et sociaux.

Et je remercie ici le Conseil d’Etat d’avoir accédé à mes demandes budgétaires qui se chiffrent à environ 51 millions sur 4 ans, à destination de l’économie réelle, locale.

Quoi de neuf dans ce programme, me direz-vous ? Pour nous, écologistes, la promotion économique ce n’est pas tant de « vendre Genève à l’extérieur » que promouvoir l’activité économique réelle des entreprises locales.

Et notre Congrès, aujourd’hui, nous le rappelle bien, qui a pour objet le mal développement du Canton, dont l’empreinte écologique sur le territoire et la baisse de la qualité de vie deviennent de moins en moins soutenables.

La promotion économique doit valoriser la création d’emplois locaux pérennes, c’est-à-dire non dé-localisables, dans les secteurs d’avenir de la transition vers la durabilité et dans l’accompagnement des entreprises dans la 4ème révolution  industrielle, celle du  numérique.

Le discours que j’ai tenu pendant ma campagne et que je tiens devant vous aujourd’hui, c’est le même discours que j’ai tenu, que je tiens et que je tiendrai devant les syndicats et devant les entreprises, depuis les auto-entrepreneurs jusqu’aux multinationales, en passant par les PME et les petites entreprises : c’est le maillage et la diversité de nos entreprises qui constitue à la fois notre richesse et notre capacité de résilience face aux crises systémiques.

Et ce discours, chères Vertes, chers Verts, les entreprises que je rencontre l’écoutent avec attention (elles ont commencé à y réfléchir bien avant mon arrivée) ; elles en comprennent l’intérêt (c’est-à-dire leur propre intérêt économique) et, pour beaucoup d’entre elles, elles sont prêtes à s’y engager.

Car le défi aujourd’hui est bien, comme le répète Greta Thunberg, de sortir du simple discours, et de passer de la parole aux actes.

Dans notre vision verte, l’économie est durable. Elle repose sur le renouvelable, puise le moins possible dans les ressources minérales de la terre. Elle est circulaire. Elle vise à la réduction du CO2 et tend au minimum de déchet.

Dans notre vision verte, les entreprises – et les syndicats qui en surveillent les pratiques – sont le moteur de la transition économique.

L’Etat, s’il doit être exemplaire, ne peut, ni ne doit, tout faire. L’Etat intervient pour défendre le bien commun, assurer la sécurité et la souveraineté sur les biens de première nécessité, renforcer la diversité et la résilience du tissu économique, et stimuler l’innovation pour orienter la création d’emplois très qualifiés ou peu qualifiés vers les métiers demain.

Mais l’Etat a un rôle important à jouer, je dirais même l’Etat a un devoir à accomplir : celui d’être le pilote de la transition vers la durabilité. Il doit proposer une vision, des objectifs clairs, et disposer d’une stratégie – notamment budgétaire et fiscale – pour guider le paquebot social à passer le cap de la durabilité.

Si je demande d’importants moyens supplémentaires au parlement, c’est donc bien pour les entreprises, pour les aider à opérer elles-mêmes leur transition, en se fixant des objectifs ambitieux : des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et qui devront être évalués périodiquement ; pour qu’elles créent l’emploi dont les jeunes et les moins jeunes ont besoin pour se sentir appartenir à cet effort collectif que nécessite l’urgence climatique.

De nombreuses sociétés qui sont aujourd’hui en difficulté, car leurs activités ou leurs modèles d’affaires sont devenus obsolètes, doivent penser à réorienter leur stratégie de développement. L’Etat pourra leur donner les moyens de résister et de sauver des emplois en se réorientant.

Ce n’est pas le travail qui manque ! Il y a dans le domaine de l’économie circulaire, de la souveraineté alimentaire, de la sécurité numérique, par exemple, des mines d’emplois à exploiter, du moins qualifié au plus qualifié.

Je veux mettre à disposition de toutes les entreprises, branches, filières, mais aussi des administrations -, les outils permettant d’établir leur diagnostic de durabilité, définir leurs objectifs en termes et mesurer les résultats.

Je veux apporter – en fonction des besoins de chaque entreprise – le soutien logistique, voire financier, nécessaire à la mise en œuvre de ces objectifs. Cela permettra le suivi et la valorisation des résultats – car ce sont les résultats, les progrès concrets en termes d’empreinte écologique et sociale, qui nous intéressent !

Car seront aidées les entreprises qui auront compris leur intérêt à s’engager dans cet effort commun !

Chères Vertes, Chers Verts,

Le confinement nous a montré que notre prospérité était bien fragile et notre économie très dépendante des chaines de production et d’approvisionnement mondialisées et sur lesquelles nous n’avions pas ou peu prise.

Voilà une raison supplémentaire pour accélérer la transition : pour nous affranchir d’un modèle économique qui au fil des années a diminué à la fois notre sécurité et notre souveraineté, pour des biens et services essentiels à notre survie, pour assurer notre sécurité et souveraineté sanitaires, alimentaires, numériques, économique.

En 2020-2021, nous avons dû payer à prix d’or sur des marchés mondiaux le gel hydro-alcoolique, puis les masques, les médicaments, les respirateurs, les tests ou les vaccins que notre industrie ne savait plus produire ici, dans des délais utiles.

Au moment de la fermeture de la frontière avec la France, notre sécurité et notre souveraineté alimentaire n’étaient pas assurées.

La promotion de la production agricole rurale et urbaine, est une priorité. Créer des places de marché en ligne qui valorisent les producteurs locaux, bien fragilisés pendant la crise sanitaire, devient également une priorité.

Avec les progrès de l’intelligence artificielle, l’immense richesse que nous possédons aujourd’hui, ce sont nos propres données personnelles, que s’arrachent les GAFAM, Google, Amazon, FaceBook, Apple, Microsoft, auxquelles il faudrait ajouter encore Uber, Netflix, AirB&B, etc. Et, alors que nous passions au télétravail, nos données personnelles et professionnelles étaient le plus souvent gérées par des entreprises multinationales, les GAFAM, les revendant au plus offrant et soumises au contrôle des grandes puissances.

Reprendre le pouvoir sur les données numériques produites par chacune et chacun d’entre nous, c’est recouvrer collectivement notre sécurité et notre souveraineté numériques, tout en protégeant la personnalité des personnes individuelles et morales, valeur qui est au cœur de notre système politique et économique.

Comme je répète souvent, nous autres écologistes, savons bien qu’économie et d’écologie proviennent de la même racine, « oikos », qui signifie « la maison » en grec. L’économie comme l’écologie considèrent le territoire comme une maison, comme un domaine, que l’on doit préserver avec soin et parcimonie et faire fructifier avec sagesse et intelligence, pour en laisser, en héritage, une jouissance au moins égale aux générations futures.

Aujourd’hui, nous savons que la croissance désordonnée qu’a généré notre immense capacité de production, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle planétaire, produit désormais davantage de nuisances et d’inégalités qu’elle ne génère de bien-être et de sécurité humaine.

Aujourd’hui, aménager notre territoire, c’est avant tout le ménager.

Enfin, j’aimerai insister sur le fait qu’une économie durable ne peut être qu’une économie circulaire. C’est un véritable changement de perspective qu’il faut adopter.

Dans l’ère  industrielle, nous n’avions pas pris conscience de la valeur de la matière que nous extrayions de la terre. Nous n’avions pas pris conscience de la nocivité du CO2 que nous diffusions dans l’atmosphère.

Nous étions dans une économie linéaire, reposant sur une utilisation infinie des ressources terrestres.

Aujourd’hui, tout à l’inverse, nous devons concevoir un produit industriel, dans son cycle de vie, de sa conception jusqu’à sa disparition.

Ce changement de paradigme aura un impact énorme sur la création d’emplois, d’emplois hautement qualifiés, pour lesquels il faut réorienter la formation professionnelle, aussi bien que des emplois très peu qualifiés.

De mes objectifs de campagne à la programmation budgétaire, je me suis déjà engagée avec joie et détermination dans la mise en œuvre de notre vision, de nos objectifs.

J’ai proposé au Conseil d’Etat, et maintenant au Grand Conseil, une stratégie dont je vous ai livré aujourd’hui les prémices.

Le Gouvernement soutient l’augmentation très importante du budget alloué à mon département, pour mener la politique que je propose. Merci à mes collègues du Conseil d’Etat !

Une partie non négligeable du Parlement semble entrer également en matière. Il faudra encore voir comment ce dernier votera les budgets nécessaires aux réformes. Nous négocions ferme !

Nous sommes face à un sacré défi. Mais nous pouvons le relever !

Nos objectifs sont ambitieux, peut-être ! Mais ils sont simplement réalistes, car nécessaires ! Ensemble nous y parviendrons.

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Je vous annonce d’ores et déjà que je me présenterai devant vous à la candidature à l’élection au Conseil d’Etat en mars 2023, car je me réjouis déjà de poursuivre le travail entamé, en comptant sur un parlement renouvelé et acquis à l’urgence climatique, à l’économie durable et à la solidarité.

Je vous remercie !