La votation du 7 mars 2021 portera sur l’accord de partenariat économique de large portée entre les Etats de l’AELE. Il s’agit d’un accord de libre-échange et de large portée ce qui signifie qu’il couvre un vaste champ d’application sectoriel. Ce sera une première dans l’histoire récente de notre pays que le peuple puisse s’exprimer sur un accord de libre-échange. Malgré des moyens disproportionnés investis par certains milieux économiques dans la campagne la population aura le choix d’empêcher, par les urnes, la mise en vigeur d’un accord néfaste pour la planète et pour l’économie locale en Suisse comme en Indonésie.

 Voter non le 7 mars permettra de freiner la mise en concurrence des peuples d’un bout à l’autre de la planète. De fait la Confédération veut conclure d’autres traités de libre-échange comme avec la Malaisie, le Mercosur, la Russie ou les Etats-Unis sans parler de son projet de suppression des droits de douane sur les produits industriels.

 Dans le livre « Le libre-échange remis en cause »* de Willy Cretegny, viticulteur bio, ce dernier fait une analyse critique des accords de libre-échange :Le principe du libre-échange est de réduire, voir supprimer les entraves au commerce. Or ces dernières, les mesures tarifaires et non tarifaires, sont les régles appliquée dans les échanges de marchandises entre les pays. Les mesures tarifaires sont les taxes qui permettent d’équilibrer les coûts de manière à avoir un échange le plus équitable possible pour les productions locales. Les mesures non tarifaires ne sont rien de moins que nos normes de fabrication, nos normes environnementales, nos normes sanitaires et sociales. D’ailleurs nos autorités non pas trouvé mieux que d’appeler notre loi sur les normes, la loi sur les entraves au commerce. C’est tout simplement scandaleux que nos choix en matière environnementale, sociales, sanitaires et sécuritaires soient considérées ainsi. Nous sommes dans une démocratie ou la base a contribué a avoir des normes sérieuses, c’est elle que nos autorités bafouent et sont prête à supprimer pour faciliter des échanges et ainsi encourager la surconsommation, la pollution, la raréfaction de nos ressources et la délocalisation de nos productions.

Cet accord crée un contingent tarifaire pour l’importation d’huile de palme. Mais contrairement à ce que l’on comprend, ce type de contingent ne limite pas l’importation, il l’encourage parce qu’il offre un tarif préférentiel pour les taxes d’importation. Avant que l’OMC les interdise, la plupart des pays avaient des contingents de volume. On importait selon nos besoins et si les produits venaient à manquer suite à une mauvaise production locale, le parlement votait un contingent additionnel pour terminer l’année. Ca s’appelle de la gestion des ressources et c’est ce que réclame les référendaires. Nous voulons des accords équitables et cohérents.

 Comme le revendique Tina Leoni Joye d’« Attac-Genève » qui lutte pour un système économique plus démocratique et respectueux, les  échanges internationaux doivent être régulés et l’organisation de ces échanges doit être impérativement subordonnée à une conception écologique, solidaire et émancipatrice et non pas servir en premier lieu les intérêts des multinationales, des sociétés de trading de matières premières et de l’industrie agro-alimentaire qui considèrent la planète comme un terrain de chasse pour leurs profits. Selon Juan Tortosa, de Solidarités, « l’extraction des matières premières (minéraux, agriculture) se fait au prix de déplacements forcés de populations et de graves violations des droits humains commises par l’armée. D’autre part le travail des enfants continue. La déforestation accélérée en Indonésie détruit le climat et la biodiversité, engendrant par la pression sur la faune la multiplication de zoonoses comme celle qui a débouché sur la pandémie de COVID actuelle. »

 De même Thomas Bruchez de la Grève du Climat Genève constate : « – qu’avec ses conséquences sociales et environnementales profondément négatives en Indonésie mais aussi en Suisse, ce traité de libre-échange constitue tout l’inverse de ce pour quoi la Grève du Climat Genève lutte : un monde écologique et solidaire. »

Cet accord de libre-échange introduit une protection plus stricte de la propriété intellectuelle.– brevets sur les médicaments, protection des obtentions végétales pour les semences- et à une libéralisation du secteur bancaire.  L’expérience montre que ce sont principalement les industries pharmaceutiques et agrochimiques qui bénéficient de telles dispositions. Pour la population indonésienne en revanche, cela signifiera des médicaments plus chers et un accès plus difficile aux semences. L’Indonésie est le troisième producteur mondial de café. La production locale subirait une pression à la baisse sur les prix, au détriment des petits producteurs et au bénéfice de géants de l’industrie agroalimentaire comme Nestlé.

N’oublions pas que la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et que les journaux nationaux ont relayé à maintes reprises des affrontements violents entre les entreprises et les communautés locales. Ainsi, Sylvain Thevoz, député socialiste dénonce le fait que : « la liberté syndicale est régulièrement bafouée en Indonésie. Les conditions d’exploitation des palmeraies sont exécrables. L’accord de libre-échange ne propose pas de garanties suffisantes en matière de protection des travailleuses et des travailleurs. Ne nous laissons pas entartiner par cet accord de commerce réalisé sur le dos des peuples. »

Les dispositions de l’accord prévues sur la durabilité sont volontairement formulés de manière vague. Aucun mécanisme contraignant ni sanctions ne sont prévus pour vérifier leur respect.  La responsabilité du contrôle est confiée à un « comité mixte » qui est censé se réunir seulement tous les deux ans. Il n’existera pas de règlement concernant la manière dont ce comité doit effectuer les contrôles. Le chapitre 8 sur la durabilité – comprenant les dispositions sur l’huile de palme – est même spécifiquement exclu de la compétence d’arbitrage prévue. Face à l’urgence climatique, c’est irresponsable ! Le principe de l’arbitrage est déjà problématique puisqu’il s’agit d’une juridiction privée devant laquelle peuvent être déférés les États souverains lorsqu’ils prennent des décisions d’intérêt général. Ce sont de plus des procédures sans appel.

Selon Nicolas Walder, conseiller national vert,  « cet accord ne répond pas aux enjeux du 21ème siècle. Vouloir accroitre les échanges de biens et service en supprimant largement les tarifs douaniers avec des pays aussi éloignés géographiquement que l’Indonésie est un non-sens écologique. Alors que 2/3 de notre empreinte carbone est générée à l’étranger, nous devrions au contraire favoriser la souveraineté alimentaire et les circuits courts. » Les dégâts écologiques liés aux transports maritimes et aériens sont déjà majeurs et menacent de s’aggraver si la fuite en avant se poursuit.

 C’est une course au moins-disant social et écologique ! Les accords de libre-échanges actuels ne mettent pas de frontière claire entre services publics et services privés, ce qui met en péril des secteurs d’intérêt général tels que la distribution de l’eau, la protection sociale ou l’éducation, entre autres.

La protection des investissements signifie en pratique de mieux traiter les investisseurs internationaux que les entreprises nationales. Les firmes multinationales peuvent en particulier réclamer des contre-parties financières lorsque des politiques locales s’opposent à leurs intérêts.

Pour Rudi Berli d’Uniterre, le fait d’octroyer une réduction douanière de 35% sur un contingent de 12500 t, représentant près de la moitié des importations d’huile de palme en Suisse, met une pression supplémentaire sur les prix  de la production oléagineuse indigène. Ces prix ont déjà baissé de près de 20% ces six dernières années. Le fait d’accorder une réduction des droits de douane sur une huile de palme soit disant durable nourrit l’idée fausse qu’une alimentation durable ne doit rien coûter. Il faut insister sur la tromperie induite sur l’appellation huile de palme durable. Les monocultures de palme n’ont rien de comparable aux pratiques agricoles durables en Suisse. Il ne s’agit de rien d’autre que d’une tromperie, d’un camouflage, d’un dumping social et écologique qui met en danger notre économie. Nous savons bien que c’est uniquement un virage résolu en faveur des circuits courts et une transition écologique qui peut continuer à garantir une richesse économique à la Suisse, et générer des opportunités d’exportation d’avenir tel que les savoir-faire et la qualité des produits et services dans une perspective d’innovation durable, de décentralisation et de démocratie.

Contacts :

Rudi Berli, Uniterre

Willy Cretegny, La Vrille – Nouveau Radical

Thomas Bruchez, Grève du Climat Genève

Nicolas Walder, Les Vert-e-s

Sylvain Thévoz, Parti Socialiste

Juan Tortosa, SolidaritéS