Pierre Eckert

Question écrite déposée par Pierre Eckert en janvier 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: Q 3848 A

Exposé de la question:

Le CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire) est une
institution internationale partiellement implantée sur le territoire genevois.
De taille modeste lors de sa création en 1954, il ne s’étend plus seulement sur
le site de Meyrin, mais aussi largement sur le territoire du Pays de Gex, avec
des halles d’expériences en surface et des tunnels en sous-sol. Le principal
anneau d’accélération LHC, d’une circonférence de 27 km, s’étend jusque
sous le Jura. Il s’agit actuellement du plus grand site mondial de ce genre.

La mission de l’organisation est de mettre à disposition de la communauté
scientifique des accélérateurs de particules permettant de mener des
recherches en physique fondamentale. De la validation du modèle standard à
la mise en évidence de certains types de quarks et récemment à l’observation
du fameux boson de Higgs, les découvertes fondamentales liées au CERN
sont nombreuses. Sans oublier l’adaptation de la supraconductivité aux
applications médicales et la genèse du Web.

Ce qui nous intéresse dans cette question, ce sont les effets
environnementaux liés à l’exploitation du centre et la compatibilité des
développements planifiés par le CERN avec la stratégie énergétique décidée
par la Suisse et les pays européens.

Le CERN publie depuis quelques années un rapport environnemental. On
y retrouvera par exemple la protection des eaux, la réduction des gaz à effet
de serre ou la politique de recyclage des déchets. Deux aspects sont toutefois
spécifiques au site : il s’agit de l’énorme quantité d’énergie électrique
utilisée, essentiellement par les accélérateurs, et la contamination radioactive
liée à l’utilisation d’énergies de plus en plus élevées.

Pour ce qui est de l’énergie, relevons que sur une année le laboratoire consomme 1,3 térawatt-heure (TWh) d’électricité. Cela correspond à peu
près à la moitié de la consommation annuelle de l’ensemble du canton de
Genève (2,7 TWh) ! La puissance consommée fluctue en fait entre 200 MW
lors de l’utilisation du LHC et environ 80 MW lors des périodes creuses.
Cette électricité provient en bonne partie du réseau français alimenté
majoritairement par des centrales nucléaires. Il est pour le moins paradoxal
de noter que, d’une part, la constitution du canton de Genève demande de
s’opposer aux centrales nucléaires, mais que, d’autre part, le plus important
centre de recherche de son territoire en dépend très largement.

Même si le CERN n’utilise pas de matière fissile comme l’uranium, les
faisceaux d’énergie élevée issus de l’accélération et de la collision des
particules ont la capacité d’activer les matériaux se trouvant à proximité et
donc de produire des déchets radioactifs. Si aucun déchet radioactif de haute
activité n’est produit, la plupart sont faiblement radioactifs. Ils se divisent en
trois catégories TTFA (très très faible activité), TFA (très faible activité), et
FA-MA (faible et moyenne activités). En 2017, le CERN a produit
524 tonnes de déchets radioactifs (327 tonnes en 2018). Ils sont stockés
temporairement dans une zone sécurisée spécifique. L’accord tripartite entre
le CERN, la France et la Suisse relatif à la protection contre les rayonnements
ionisants et la sûreté des installations du CERN prévoit ensuite un processus
de gestion spécifique.

Les deux problèmes évoqués ci-dessus pourraient encore être accentués
par les nouveaux plans que le CERN est en train de mettre en place. On parle
d’un anneau de 100 km de circonférence provisoirement intitulé FCC (Future
Circular Collider : https://fcc-cdr.web.cern.ch/), qui pourrait devenir
opérationnel vers 2040. Le coût estimé est de l’ordre de 20 milliards d’euros.
Les avancées scientifiques espérées sont documentées sous
https://link.springer.com/article/10.1140/epjc/s10052-019-6904-3 (attention,
c’est assez technique !). Elles consistent, d’une part, à consolider les
connaissances acquises avec les accélérateurs existants en ajoutant quelques
chiffres après la virgule et d’autre part à s’approcher (mais de très loin a
priori) des conditions qui auraient pu régner lors du Big Bang.

Au vu des économies d’énergie que nous devons impérativement réaliser
pour mettre en oeuvre le plan directeur de l’énergie, la stratégie énergétique
2050 fédérale dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, on peut se
poser la question de savoir si ce nouveau projet du CERN mérite réellement
d’être privilégié. De plus, la réalisation des objectifs climatiques nécessitera
des investissements considérables qu’il faudra également prioriser.

Tout ceci me conduit à formuler les questions suivantes :

  • Combien de TWh d’électricité le CERN consommera-t-il lorsque, le cas
    échéant, le FCC sera en service ? Le canton de Genève a-t-il l’intention
    de formuler une opposition concernant le non-respect de la stratégie
    énergétique 2050 et le recours massif à de l’électricité d’origine
    nucléaire ?
  • Quelles études d’impact sur l’environnement seront conduites et
    rendues publiques avant que les autorisations d’ouvrir les chantiers ne
    soient délivrées ?
  • Quelles normes et autorisations devront être données pour respecter les
    normes d’irradiation et de traitement des déchets radioactifs ?
  • Les avancées en physique que le FCC laisse espérer, modestes et
    aléatoires, méritent-elles qu’on accorde à ce projet la priorité sur la
    lutte contre le réchauffement climatique ?
  • Plus généralement, quelle est la gouvernance de la mise en place d’un
    tel projet ? Quelles sont les possibilités du canton de Genève
    d’intervenir dans les procédures de décision ?

Réponse du Conseil d’Etat

Préambule
Situé au nord-ouest de Genève, de part et d’autre de la frontière francosuisse,
le CERN est l’une des plus importantes et anciennes organisations
internationales de recherche au monde. Il a son siège en Suisse depuis sa
fondation en 1954 sous les auspices de l’UNESCO. La Suisse est l’un de ses
membres fondateurs.

L’acronyme CERN désignait à l’origine le Conseil européen pour la
recherche nucléaire, qui avait pour mandat de créer en Europe une
organisation de rang mondial pour la recherche en physique fondamentale. A
l’époque, le laboratoire avait pour principal objet de recherches la
compréhension de l’atome, ce qui explique le terme « recherche nucléaire ».
Le domaine d’activités de l’organisation a cependant très rapidement été
élargi et a été renommé « physique des particules ». S’il a conservé son nom
historique, le CERN se consacre aujourd’hui à la recherche en physique
fondamentale, soit l’étude des constituants élémentaires de la matière et de
l’Univers. Il est aujourd’hui considéré comme l’organisation de recherche de
référence au niveau mondial dans la physique des particules.

L’installation phare du CERN est le grand collisionneur de hadrons (LHC
ou Large Hadron Collider), enfoui dans un tunnel circulaire de 27 km. Les
expériences réalisées sur le LHC ont permis, en 2012, de prouver
expérimentalement l’existence du boson de Higgs, confirmant la validité du
modèle standard de la physique des particules.

De nombreuses autres expériences sont également menées au CERN, où
ne travaillent pas moins de 17 000 chercheurs et ingénieurs. Les travaux du
CERN sont par exemple à l’origine du Web, de nouveaux traitements contre
le cancer ou de développements de l’imagerie médicale.

De par le développement de technologies et d’instruments de pointe, le
CERN représente un moteur pour l’innovation. Il en résulte des retombées
importantes pour la formation et l’économie au niveau international, mais
également national et local. Reconnu dans le monde pour son excellence
scientifique, le CERN constitue un atout pour le rayonnement de Genève.
Nombre de ses projets sont d’ailleurs en concurrence avec d’autres régions du
monde, qui cherchent à se profiler dans ce domaine de pointe.

Statut international
Le CERN est une organisation intergouvernementale avec laquelle le
Conseil fédéral a conclu le 11 juin 1955 un accord de siège
(RS 0.192.122.42). Reconnaissant à l’organisation la personnalité juridique
internationale et la capacité juridique en Suisse, cet accord de siège dispose
que le CERN jouit des immunités et privilèges habituellement reconnus aux
organisations internationales dans la mesure nécessaire à l’accomplissement
de leurs fonctions. Ledit accord définit les privilèges et les immunités
accordés à l’organisation et aux personnes appelées à titre officiel auprès de
celle-ci.

Lors de son extension en territoire français, le CERN a conclu en 1965 un
accord de statut avec la France, lui reconnaissant également un statut
international dans ce pays. En parallèle, les deux Etats hôtes de l’organisation
ont également conclu en 1965 une convention relative à l’extension en
territoire français du domaine du CERN.

A ce jour, le CERN compte 23 Etats membres et 9 Etats associés. La
Confédération est à la fois un Etat hôte de l’organisation et un Etat membre
représenté au Conseil du CERN, l’organe de décision suprême du CERN.

Etat du projet de nouveau collisionneur de particules – Future Circular
Collider (FCC)
Le collisionneur LHC, mis en exploitation en 2008, arrivera en fin de
cycle opérationnel à l’horizon fin 2040. Dans un environnement mondial de
plus en plus compétitif, la défense et le développement du statut de référence
du CERN au niveau mondial pour la physique des particules lui imposent de
se positionner bien en amont sur les projets phares qu’il envisage de porter
après 2040.

En vue de préparer cet avenir, une étude concernant un nouveau
collisionneur de particules (Future Circular Collider – FCC), objet de la
présente question écrite, a été lancée en 2014. Cette étude a conclu en 2018
que la méthode scientifique la plus efficace pour explorer les questions non
encore résolues de la physique moderne consiste en un collisionneur électronpositon
de très haute intensité dans une première étape, suivi, dans la même
infrastructure, d’un collisionneur proton-proton de très haute énergie comme
but ultime. Cette approche, confirmée en 2020 lors de la mise à jour de la
stratégie européenne pour la physique des particules, permet de garder et
d’élargir le leadership mondial de l’Europe en physique des particules et ses
technologies de pointe jusqu’à la fin du siècle. La période 2021-2026 sera consacrée à la faisabilité du projet FCC. Ce n’est qu’après 2026 que devrait
pouvoir être prise la décision des Etats membres du CERN de financer et de
lancer – ou non – le programme. Cas échéant, la première phase
opérationnelle n’est prévue qu’à l’horizon 2040-2060.

Gouvernance
Le CERN, ses Etats hôtes, ainsi que le canton de Genève, travaillent à la
mise en place d’une structure de gouvernance appropriée, permettant de
définir les solutions techniques, procédurales et administratives à la hauteur
des enjeux que représente le projet de FCC.

Aujourd’hui déjà, la Confédération, au travers notamment de la Mission
permanente de la Suisse auprès des organisations internationales à Genève, et
le canton de Genève participent pleinement aux travaux d’une structure de
concertation Suisse – CERN, qui traite, entre autres, des futurs projets du
CERN. Un sous-groupe de cette structure se réunit périodiquement pour
aborder conjointement toutes les questions pertinentes pour le développement
d’un futur scénario de collisionneur. Des groupes de travail ad hoc intégrant
les services cantonaux directement concernés ont été mis en place dès les
premières phases de conception.

Enfin, relevons que les autorités genevoises, les autorités françaises et le
CERN sont signataires depuis 2000 d’un mémorandum de coopération en
matière d’environnement, révisé en 2007, instituant un Comité tripartite sur
l’environnement qui se réunit deux fois par an en séances plénières, en sus de
séances techniques.

Lutte contre le réchauffement climatique et consommation énergétique
Tout en poursuivant son ambitieux programme scientifique, le CERN a
également intégré la lutte contre le réchauffement climatique dans ses
objectifs. Les actions engagées par l’organisation visent à réduire de 30% ses
émissions de CO2 entre 2018 et 2024.

La maîtrise de la consommation d’énergie constitue l’un des axes de la
stratégie environnementale du CERN, qui est d’ailleurs, avec d’autres
institutions européennes, l’un des membres fondateurs des ateliers concernant
« l’énergie pour une science durable dans les infrastructures de recherche »
(Energy for Sustainable Science at Research Infrastructures – ESSRI) dont le
dernier s’est tenu en 2019 à l’Institut Paul Scherrer (Villigen, Suisse).

De manière générale, le CERN fonde sa stratégie énergétique sur la
sobriété, l’utilisation responsable, la valorisation de la chaleur et le transfert
de technologies. La supraconductivité et d’autres technologies de pointe jouent notamment un rôle primordial dès la conception des accélérateurs de
particules. D’autres mesures, telles que la saisonnalité des calendriers
d’exploitation, avec arrêts des faisceaux en hiver ou les améliorations
périodiques pour augmenter l’efficacité énergétique des infrastructures, font
partie des actions menées par l’organisation.

S’agissant plus spécifiquement des informations demandées concernant la
consommation d’électricité du CERN après la mise en service du FCC,
rappelons que la décision de construire cette nouvelle infrastructure à Genève
n’a pas encore été prise, et que la première phase opérationnelle du FCC est
prévue au plus tôt pour la période 2040-2060. Dans ces circonstances, il est
difficile de déterminer avec précision les sources d’énergie électrique à cette
échéance, sachant aussi que, conformément aux accords internationaux, les
contrats pour la fourniture d’énergie électrique de l’organisation sont soumis
à des procédures d’appels d’offres. Il convient également de tenir compte de
l’évolution des exigences légales et du marché européen de l’électricité,
concernant lesquels il est difficile d’établir des prévisions fiables à l’horizon
2040-2060.

A ce stade cependant, en termes de chiffres, le CERN évalue la
consommation d’électricité globale pour le fonctionnement de la première
phase du FCC à 1,3 TWh en moyenne par an, sur la base de l’état actuel de la
conception. Cette évaluation se situe dans le même ordre de grandeur que la
consommation actuelle annuelle du CERN en phase d’exploitation du LHC,
alors que les nouvelles infrastructures seront d’une importance sans
comparaison avec les installations existantes. Selon le projet, un anneau d’une
circonférence de 100 km s’intégrerait dans l’infrastructure d’accélérateurs
existante. L’efficacité énergétique et l’optimisation des ressources constituent
en effet deux objectifs principaux de la conception du FCC, qui bénéficiera
des progrès techniques conséquents réalisés au cours des 30 à 40 dernières
années dans ce domaine. Relevons pour le surplus que la consommation
énergétique du CERN devrait être comparée non pas à l’échelle de la
consommation locale, mais au regard de la consommation mondiale,
véritable « périmètre d’utilité » d’installations telles que celles du CERN.

Concernant l’énergie thermique, le CERN est un partenaire actif dans
plusieurs projets d’envergure. Une unité de récupération de chaleur a été
récemment réalisée sur un site du LHC, dont les rejets thermiques devraient
alimenter prochainement le réseau d’énergie de la zone d’aménagement
concertée (ZAC) Ferney-Voltaire. Une liaison avec GeniLac est à l’étude.
Des études ont également été lancées, en collaboration entre l’office cantonal
de l’énergie (OCEN) et le CERN, pour valoriser les rejets de chaleurs du site
de Meyrin sur un périmètre pertinent (ZIMEYSAVER, Les Vergers, etc.), et le CERN est en train d’étudier la possibilité de substituer une partie du gaz
alimentant la centrale de chaleur du CERN (Meyrin) par une pompe à chaleur
alimentée par des rejets de chaleurs.

Par ailleurs, l’OCEN accompagne le CERN dans son programme de
rénovation du parc bâti, avec des subventions pour des travaux
d’assainissement énergétique de l’enveloppe des bâtiments pour un montant
de 2 796 670 francs. Ce vaste chantier est en cours. Enfin, concernant les
nouvelles constructions, on mentionnera le portail de la sciences, bâtiment
répondant au standard de très haute performance énergétique (THPE), conçu
pour être emblématique de la transition énergétique, notamment concernant
l’intégration du solaire, qui permettra de produire davantage d’électricité que
celle consommée pour le fonctionnement du projet, et l’optimisation de
l’architecture visant à minimiser le recours au froid de compression.

Etude de l’impact sur l’environnement
Le projet de FCC sera soumis à une étude transfrontalière de l’impact sur
l’environnement. Compte tenu du caractère transfrontalier du projet, les
autorités compétentes suisses, fédérales et genevoises, et françaises
travaillent avec le CERN pour développer un processus d’évaluation
environnementale, qui suivra l’évolution du scénario de projet FCC depuis la
phase de conception jusqu’à la phase d’autorisation, et au-delà. Ce processus
sera notamment fondé sur la convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact
sur l’environnement dans un contexte transfrontière, du 25 février 1991
(RS 0.814.06), et la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en
matière d’environnement, du 25 juin 1998 (RS 0.814.07), ainsi que sur les
lois applicables dans les deux Etats hôtes et les meilleures pratiques
reconnues aujourd’hui.

Cette évaluation environnementale suivra une approche pour « éviterréduire-
compenser » (ERC) visant à mettre en oeuvre des mesures pour éviter,
en priorité, les atteintes à l’environnement, réduire celles qui n’ont pu être
suffisamment évitées et compenser les effets notables qui n’ont pu être ni
évités, ni suffisamment réduits. L’approche ERC ne s’épuise pas avec la mise
en service de l’infrastructure, mais inclut un suivi et un accompagnement
continu. Les éléments potentiels d’amélioration seront également abordés.

Une fois le processus validé par les autorités environnementales des deux
Etats hôtes, un ensemble d’études spécifiques seront planifiées et réalisées,
telles que par exemple des études géotechniques concernant le sous-sol ou
des études sur le trafic pour évaluer les impacts sur la qualité de l’air et la protection contre le bruit. Toutes les thématiques environnementales du
« Manuel EIE » de la Confédération seront traitées.

Enfin, le processus garantira le respect des exigences de consultation
prévues notamment par les accords internationaux. Le rapport d’impact sur
l’environnement sera consultable lors de l’enquête publique en France et en
Suisse.

Protection contre les rayonnements ionisants et sûreté des installations
du CERN
Le 15 novembre 2010, un accord relatif à la protection contre les
rayonnements ionisants et à la sûreté des installations du CERN a été signé
entre ladite organisation, le Conseil fédéral et le Gouvernement de la
République française. Cette convention vise à assurer que les meilleures
pratiques en matière de protection contre les rayonnements ionisants et de
gestion des déchets radioactifs s’appliquent, au regard des accords et
recommandations internationales ainsi que de la règlementation des Etats
hôtes. Elle prévoit des modalités de collaboration entre les parties et,
notamment, un mécanisme de réunions triparties devant permettre le suivi
régulier de l’application de ses dispositions.

En préambule à la question des rayonnements, il convient de relever que
le CERN ne réalise pas de fission nucléaire comme dans un réacteur
nucléaire. Les réactions étudiées au CERN sont issues de l’accélération et de
la collision de faisceaux de particules entre eux ou contre des cibles fixes. Le
rayonnement survient, d’une part, lorsque le faisceau de particules circule,
son arrêt permettant de stopper cette source. Les faisceaux de particules à
haute énergie ont, d’autre part, la capacité d’activer les matériaux se trouvant
à proximité ou sur leur chemin, et donc de produire des déchets radioactifs et
des zones radioactives, localisées et contrôlées. Par ailleurs, outre le respect
des normes internationales en termes de rayonnements ionisants, dont la
surveillance est de compétence fédérale, le CERN a déclaré qu’il s’engageait
à ne pas dépasser des limites plus exigeantes que la réglementation applicable
en Suisse et en France. Enfin, selon les termes de l’accord précité, le CERN
doit rédiger, avant la mise en service d’une nouvelle installation, un rapport
de sécurité et de protection contre les rayonnements ionisants, qui doit être
instruit et homologué par les Etats hôtes. Dans un contexte plus général, le
CERN poursuit des recherches pour réduire l’émission et l’impact de
rayonnements et a développé des outils, également appliqués dans d’autres
domaines où les rayonnements sont utilisés, qui permettent aux concepteurs
d’installations de choisir des matériaux qui réduisent l’activation.

Concernant les déchets, le CERN génère des déchets radioactifs de faible
activité, mais aucun déchet radioactif de haute activité. Leur processus de
transport et d’élimination fait notamment l’objet de l’accord précité entre
l’organisation et les Etats hôtes. En particulier, le CERN rédige
périodiquement une étude recensant les déchets radioactifs existants et futurs,
et s’entretient avec les Etats hôtes pour définir les filières d’élimination de
ces déchets. Le CERN indique également qu’il a renforcé, au cours des
dernières années, l’optimisation de ses activités impliquant des risques
radiologiques, ainsi que la caractérisation et le traitement des déchets
radioactifs produits, pour être à la pointe par rapport à d’autres grands
laboratoires de recherche. Pour les futures installations, telles que le FCC, le
CERN souhaite continuer à réduire son impact radiologique sur
l’environnement. La réduction des déchets radioactifs, tant en volume qu’en
qualité, fait partie de cette stratégie. A cet effet il entend mettre en oeuvre,
pendant la phase de conception, des processus d’optimisation concernant la
sélection des matériaux, ainsi que la disposition et la conception technique
des nouvelles installations.

La question des rayonnements et des déchets radioactifs sera pour le
surplus bien évidemment abordée dans le processus d’évaluation d’impact sur
l’environnement. Enfin, il convient de noter que le CERN a mis sur pied un
programme de surveillance radiologique environnementale qui est doublé par
un programme de mesures indépendant mis en oeuvre par l’autorité fédérale
compétente. Aucun accident environnemental lié à la radioactivité n’a été
enregistré au CERN depuis sa fondation en 1954.

Conclusions
La mission première de la recherche fondamentale est d’élargir les
frontières de la connaissance humaine dans des domaines inexplorés, et donc
par définition inconnus, sans la contrainte d’être immédiatement applicable
ou rentable. Son caractère « aléatoire », y compris en présence d’un
programme scientifique précis, d’orientations claires et d’une gouvernance
bien définie, n’est pas spécifique au FCC. Il n’en demeure pas moins que la
recherche fondamentale influence régulièrement, depuis des siècles, l’histoire
de l’humanité, grâce à des avancées scientifiques et aux progrès techniques
induits par ces travaux.

Dans ce contexte, le FCC propose un programme scientifique
extrêmement ambitieux et devrait permettre d’entrevoir des avancées
majeures en physique des particules. A cet égard, les questions auxquelles le
FCC pourrait apporter des réponses essentielles sont loin d’être « modestes ».
Si la découverte du boson de Higgs a apporté le chaînon manquant permettant de compléter le « modèle standard » décrivant tous les
phénomènes observés à ce jour en laboratoire, cette théorie ne propose
aucune réponse sur l’origine du boson de Higgs, sur la nature de la matière
noire, sur la quasi-absence d’antimatière, ou sur la masse des neutrinos. Ces
questions sont déterminantes pour expliquer les phénomènes observés dans
l’Univers.

De plus, les centres de recherche internationaux comme le CERN sont des
plateformes durables pour le développement des connaissances, l’innovation
et la stimulation de la coopération entre les nations. Les économistes
s’accordent aujourd’hui pour dire que les investissements dans la recherche
scientifique fondamentale sont essentiels aux progrès de la société à court,
moyen et long terme, et que leur bilan économique et social est largement
positif. L’un des exemples les plus connus de ces effets, le développement du
World Wide Web, est d’ailleurs le fruit de l’esprit d’innovation entretenu au
CERN. Dans la perspective du développement du FCC, le CERN a d’ailleurs
lancé un projet avec des partenaires extérieurs, financé par l’Union
européenne, qui analysera en détail ces effets, ainsi que leur impact socioéconomique.

Par ailleurs, certaines technologies développées pour le FCC, notamment
le stockage, le transport et la distribution de l’énergie, utilisant la
supraconductivité, pourraient à terme contribuer au combat contre le
changement climatique et à de multiples autres aspects de la vie quotidienne.
En d’autres termes, la recherche fondamentale, telle que poursuivie par le
CERN, est essentielle pour concevoir les progrès de demain.

Pour le surplus, et tout au long de l’évolution du projet, les mécanismes de
gouvernance entre les parties, ainsi que les processus élaborés dans le cadre
notamment des études d’impact sur l’environnement, devront permettre
d’établir le meilleur scénario équilibrant excellence scientifique, compatibilité
territoriale et environnementale et risques de mise en oeuvre du projet.