Pierre Eckert

Motion déposée par Pierre Eckert en avril 2022

Texte complet: M 2835

Exposé des motifs:

Récemment, les médias se sont fait l’écho d’un risque de pénurie
d’approvisionnement électrique en Suisse. L’instabilité des cours de certaines
ressources nécessaires à la production d’énergie et la demande accrue à
certaines périodes de l’année (lors des pics hivernaux) font planer un risque
non négligeable sur l’approvisionnement énergétique (notamment électrique)
de la Suisse et du canton de Genève. Or, ce risque pourrait aller croissant à
l’avenir. Dans un entretien avec les médias, la ministre de l’énergie
Simonetta Sommaruga souligne comme raisons les tensions en Ukraine, des
réservoirs de gaz vides et les centrales nucléaires françaises à l’arrêt plus
longtemps que prévu. La ministre a également appelé à développer les
énergies renouvelables indigènes.

L’évolution de la consommation électrique suivra deux chemins
divergents. D’une part, il existe encore un potentiel d’efficience dans les
domaines de l’industrie, du numérique ou des ménages privés, ce qui
amènera globalement une baisse de la consommation. Mais, d’autre part, la
transition vers l’électromobilité et le chauffage basé sur les pompes à chaleur
conduira à une hausse notable. Au niveau suisse, on anticipe de passer
globalement de 60 TWh aujourd’hui à environ 80 TWh à l’horizon 2050, soit
une augmentation de 33%. Dans le même temps, les centrales nucléaires, qui
contribuent pour environ un tiers de la production indigène, seront arrêtées
progressivement selon la décision du peuple sur la stratégie énergétique
2050.

Dans une étude pilotée par Greenpeace et publiée récemment, il est
rappelé que la Suisse n’a pas besoin du nucléaire ni des énergies fossiles pour
assurer son approvisionnement énergétique et limiter le réchauffement
climatique. L’éolien et le couplage chaleur force auront leur rôle à jouer,
mais pour une contribution qui ne devrait pas excéder 10 à 15%. La clé passe par un développement massif de l’énergie solaire. Il s’agit, désormais,
d’accélérer son déploiement dans ce que Greenpeace a appelé un « sprint
solaire ». Il s’agit par ailleurs de la seule façon de répondre de façon crédible
à l’urgence climatique.

A Genève, le potentiel d’énergie photovoltaïque mobilisable a été
clairement identifié dans le plan directeur de l’énergie (1400 GWh/an). Cela
représente la troisième ressource d’énergies renouvelables locales
mobilisables, après l’hydrothermie et la géothermie. Or, à l’heure actuelle, le
potentiel mobilisé n’est que de 60 GWh/an. L’hydrothermie est en cours de
déploiement à grande échelle avec le réseau GéniLac. La géothermie de
moyenne profondeur en est encore à l’état de recherche, même si les premiers
résultats sont encourageants. Les technologies liées au solaire photovoltaïque
ont atteint un bon niveau de maturité et peuvent être mises en oeuvre
rapidement. On peut d’ailleurs trouver en Europe des fabricants de panneaux
de bonne qualité à des prix totalement compétitifs.

Il convient donc de donner une impulsion volontaire à ce sprint solaire en
demandant à l’Etat de rendre obligatoire la pose de panneaux photovoltaïques
sur l’ensemble des surfaces qui s’y prêtent et ainsi d’exploiter une partie
significative du potentiel solaire tel que défini dans le plan directeur de
l’énergie. Des textes demandant cette obligation ont été déposés au niveau
fédéral et à Bâle-Ville. Dans ce dernier canton, une motion contraignante à
ce sujet a été acceptée par le parlement en décembre 2021.

La présente motion s’appuie en bonne partie sur cette motion bâloise. Le
tissu urbain de ce demi-canton est assez semblable à celui de Genève. Elle
demande que l’ensemble des toitures, façades et autres surfaces qui
présentent un potentiel bon à très bon soient astreintes à une obligation
d’installation de panneaux photovoltaïques. Les exigences patrimoniales
restent bien entendu réservées, conformément à la loi sur l’énergie.

Le concept de « toitures qui s’y prêtent » doit être compris de la façon
suivante. L’orientation de la surface est tout d’abord primordiale, d’ailleurs
ce paramètre est déjà compris dans le cadastre solaire. Une surface
obligatoire minimale devra être définie par voie réglementaire. Les surfaces
trop petites présentent en effet souvent des coûts d’installation qui ne
couvrent que difficilement le prix de vente de l’énergie électrique. On pourra
aussi objecter que la couverture d’un toit pourrait entrer en conflit avec la mise en place d’une toiture végétalisée. Pour autant que des précautions
soient prises cette crainte n’est pas fondée.

Lors du débat parlementaire à Bâle-Ville, la question du financement a
été soulevée par certains des partis. La réponse à cette légitime interrogation
passe par plusieurs pistes. Le retour sur investissement est parfaitement
raisonnable, de l’ordre de 7 à 10 ans, pour des installations qui ont des durées
de vie au minimum de 25 ans. Cela est d’autant plus pertinent que des primes
provenant de la Confédération et de SIG existent. Il est toutefois possible que
certains propriétaires ne possèdent pas la capacité d’investissement
nécessaire, c’est pourquoi la motion demande que l’Etat mette en place des
modèles de financement pouvant être par exemple des prêts sans intérêts ou
des garanties d’emprunt. Les possibilités de mutualisation doivent également
être promues. Un propriétaire pourrait mettre ses surfaces à disposition d’un
investisseur énergétique ou d’une collectivité, avec des conditions financières
à définir. Les propriétaires d’un groupe de villas pourraient également
investir ensemble pour équiper un ou plusieurs toits et utiliser ensemble
l’électricité produite, pour autant que les obstacles techniques et
administratifs à ce genre de partage ne soient pas démesurés. La motion sur
les centrales solaires participatives 2715 (votée à l’unanimité par le Grand
Conseil) doit donner un clair soutien à cette façon de procéder.

Par ailleurs, il est clair que la production d’énergie solaire est maximale
en été et minimale en hiver. Des capacités de stockage utilisant le pompageturbinage
dans les barrages de montagne existent, mais seront probablement
insuffisantes à l’avenir. La présente motion demande ainsi que des méthodes
de stockage alternatives soient développées et mises en oeuvre. En dehors du
stockage par gravité (pompage dans les barrages ou levage de solides), on
peut mentionner la production de gaz (Power-to-Gas) ou d’hydrogène.