Pierre Eckert

Question urgente écrite déposée par Pierre Eckert en mars 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1702 A

Exposé de la question:

Le 24 février 2022, la Russie a lancé une offensive militaire contre
l’Ukraine, ce qui a jeté une lumière crue sur les stratégies géopolitiques et la
dépendance envers des matières premières, gérées par des régimes
autocratiques. La guerre en Ukraine a révélé notre dépendance envers les
importations de gaz russe.

En Suisse, 2 bâtiments sur 3 sont chauffés par des énergies de source
fossile, tandis qu’à Genève ce ne sont pas moins de 9 bâtiments sur 10. A
côté du mazout, le gaz représente environ 20% de la consommation d’énergie
en Suisse dont près de la moitié provient de Russie, proportionnellement bien
davantage à Genève. La conséquence a été immédiate avec une augmentation
marquée des prix pour les ménages et pour l’industrie, de même qu’un risque
de pénurie.

Or, ce n’est pas seulement l’approvisionnement qui est en jeu. En effet,
l’argent que nous payons pour le gaz finance également la machine de guerre
russe. Les exportations de gaz ont rapporté plus de 60 milliards de dollars à la
Russie, soit l’équivalent de son budget militaire. C’est pourquoi il faut dès
maintenant mettre en oeuvre des mesures pour en terminer avec cette
dépendance. Le gaz concerne surtout le chauffage et est en grande partie
distribué par les SIG qui sont dotés d’une convention d’objectifs avec l’Etat.
Cela confère à l’Etat la compétence de demander des garanties sur la
provenance du gaz fourni.

Le plan climat et le plan directeur de l’énergie ont été adoptés par le
Conseil d’Etat avec des objectifs répondant à l’urgence climatique. La guerre
entre la Russie et l’Ukraine exige que le processus de sortie des énergies
fossiles soit accéléré. Il n’y a pas que le gaz qui soit par ailleurs concerné ; de nombreux autres conflits dans le monde dépendent aussi d’enjeux liés à
l’accès au pétrole.

Dans ce contexte, je prie le Conseil d’Etat de bien vouloir répondre aux
quelques questions suivantes :

  • Quelle est la quantité de gaz vendu à Genève provenant de Russie ?
  • Est-il possible à l’avenir de publier régulièrement l’évolution de la
    quantité de gaz russe vendu à Genève ?
  • En plus des mesures du plan directeur de l’énergie, est-il possible de
    prendre des mesures rapides pour réduire notre dépendance envers le
    gaz de la Russie, pour en devenir le plus rapidement possible totalement
    indépendants ?
  • Est-il possible de cesser de promouvoir le gaz en tant que source
    d’énergie et d’orienter les utilisateurs vers des sources renouvelables ?

Réponse du Conseil d’Etat

Provenance du gaz consommé à Genève

Les Services industriels de Genève (SIG) s’approvisionnent intégralement
auprès de leur fournisseur historique Gaznat.

Selon les informations à disposition du canton, Gaznat n’a pas de contrat
de fourniture existant avec des fournisseurs russes. En l’état cependant, il
n’existe pas de dispositif permettant de tracer l’origine et la qualité du gaz sur
les marchés. Toutefois, les SIG ont pris, sur une base volontaire, la décision de
contracter parallèlement à leur approvisionnement par Gaznat des garanties
d’origine. Ce type de « conversion » en est à ses débuts sur le marché européen
et sa généralisation rencontre encore un certain nombre de difficultés
accentuées par la crise énergétique.

Stratégie énergétique cantonale

La situation actuelle ne peut que renforcer le canton dans sa stratégie
énergétique. Augmenter notre indépendance énergétique en développant les
énergies renouvelables locales et en réduisant notre consommation énergétique
est le moyen le plus sûr de garantir à la population et à l’économie un
approvisionnement énergétique stable et compatible avec les impératifs
économiques et écologiques.

En matière de réduction de la consommation d’énergie, des actions
conjointes entre le département du territoire (DT), le département de
l’économie et de l’emploi (DEE), les Services industriels de Genève (SIG) et
l’Union des associations patronales genevoises (UAPG) vont être menées
prochainement pour inciter les entreprises à s’appuyer sur les programmes
existants pour renforcer les mesures d’économies à court et moyen-long
termes.

En matière d’énergie thermique, la sortie du fossile doit notamment être
atteinte au travers du développement des réseaux thermiques structurants
approuvés en votation populaire en février 2022. D’ici à 2030, la part d’énergie
renouvelable dans ces réseaux devra atteindre 80%, grâce notamment au
développement de l’hydrothermie (valorisation de l’eau du lac), l’utilisation des
rejets de chaleur des entreprises, la géothermie et la valorisation énergétique
de la biomasse.

Pour sortir du fossile et diminuer la consommation énergétique du parc bâti
genevois, qui représente 50% de la consommation énergétique du canton et
dont 90% est d’origine fossile, le Conseil d’Etat entend par ailleurs renforcer
les instruments réglementaires. Pour accompagner ce renforcement des
obligations, les propriétaires pourront bénéficier de programmes
d’accompagnement et de soutiens financiers (subventions pour les rénovations
énergétiques et le renouvellement d’installations de production de chaleur
renouvelables; allégements fiscaux).

La dépendance de la Suisse aux énergies fossiles et l’augmentation extrême
du prix du gaz sur les marchés depuis l’été 2021 démontre qu’il est
indispensable d’augmenter le plus rapidement possible la part de nos besoins
en énergies couverts à partir de sources renouvelables.