Boris Calame

Question écrite déposée par Boris Calame en mars 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: Q 3889 A

Exposé de la question:

En matière de potentiel de production d’énergie éolienne, Genève n’a
sans doute pas le potentiel des crêtes du Jura, toutefois selon les données de
la Confédération certaines régions du canton pourraient se prêter à un
développement qui viendrait en complément des autres énergies
renouvelables produites localement, pour un potentiel de 40 à 180 Gwh/an, et
assurerait ainsi une plus grande part d’autonomie et de diversité énergétique à
notre canton.

Avec le développement notamment des réseaux thermiques structurants,
qui nous éloignent peu à peu du « tout fossile », il faudra assurer la
production d’une quantité d’énergie électrique, sur notre territoire, afin de
garantir, en tout temps, le bon fonctionnement de nos réseaux. En cas de
« black out » électrique, on pourrait en effet imaginer limiter la distribution
d’électricité de « confort » (p. ex. éclairage), mais très certainement pas de
chaud et/ou de froid, ceci étant valable tant pour les logements que pour les
activités.

Avec la prochaine révision du plan directeur cantonal et les objectifs de
réduction des émissions de CO2, tels que définis dans le plan climat cantonal,
il semble pour le moins nécessaire de sérieusement envisager une
diversification plus importante, notamment en hiver, de notre production
énergétique. Le potentiel de production éolien se doit alors d’être évalué dans
le détail et, le cas échéant, planifié et réalisé dans un proche avenir.

Suite à la déclaration de l’urgence climatique, le plan climat cantonal
2030 de 2e génération (PCC) entend réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 60% par rapport à 1990. Sous la fiche 1.1 du PCC – Mise en
oeuvre du plan directeur de l’énergie 2030 (PDE) – il est notamment stipulé
en page 74 que « le PDE vise à amplifier massivement les efforts déjà
engagés pour […] valoriser les ressources énergétiques renouvelables
locales ».

La loi [fédérale] sur l’énergie (LEne) (730.0), qui « vise à contribuer à un
approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économique et
respectueux de l’environnement » et à « permettre le passage à un
approvisionnement en énergie basé sur un recours accru aux énergies
renouvelables, en particulier aux énergies renouvelables indigènes », précise
sous son article 8 que « la Confédération et les cantons créent à temps, et
dans le cadre de leurs compétences respectives, les conditions permettant
d’assurer les capacités voulues de production, de réseau et de stockage ». De
plus, son article 10 précise encore que « Les cantons veillent à ce que le plan
directeur désigne en particulier les zones […] qui se prêtent à l’exploitation
de l’énergie […] éolienne […] » et que « [les cantons] veillent à ce que des
plans d’affectation soient établis ou que les plans d’affectation existants
soient adaptés ».

Dans le plan directeur de l’énergie 2020-2030 (PDE), il est fait mention
du potentiel de développement de l’énergie éolienne à Genève pour une
production de l’ordre de 100 GWh/an d’ici 2030. L’annexe 3.6 du PDE
traite spécifiquement de ce sujet.

Se rappeler que l’éolien produit ⅔ de son énergie en hiver, avec une crête
en janvier, où la demande en énergie est plus importante. Cette énergie
complète alors de manière idéale la production hydroélectrique et solaire,
dont la production est plus élevée en été.

Pour pouvoir concrétiser ce potentiel dans un délai raisonnable, du
moment où la réticence est parfois forte envers ce type d’installations,
notamment à proximité des habitations et dans les zones naturelles, il importe
d’intégrer pleinement et rapidement ce type de développement dans la
révision, totale ou partielle, du plan directeur cantonal.

Quand la production planifiée d’un parc éolien est supérieure à
20GWh/an (d’intérêt national), l’intérêt de la production d’énergie est mis sur
pied d’égalité avec d’autres intérêts nationaux. La planification et le
dimensionnement d’un parc éolien revêtent alors une importance particulière.

Selon l’Atlas suisse des vents, il semblerait que quatre régions du canton
pourraient être à même de recevoir des éoliennes, soit :

  1. Jussy-Meinier et alentours ;
  2. Bardonnex-Confignon-Sézegnin et alentours ;
  3. Dardagny-Essertine-La-Plaine et alentours ;
  4. Satigny-Chouly-Pessy et alentours.

Au regard de ce qui précède, mes questions au Conseil d’Etat, que je
remercie par avance de ses réponses, sont les suivantes :

  1. Où en sont les démarches en lien avec le développement de l’énergie
    éolienne à Genève (études, potentiels coûts, bénéfices,…) ?
  2. Du moment où les cantons ont l’obligation de mettre en oeuvre une
    planification éolienne (cf. art. 10 LEne) et que tous les autres cantons
    romands l’ont fait à ce jour, à quel moment celle-ci sera-t-elle établie et
    validée à Genève pour intégration dans le plan directeur cantonal ou un
    plan d’affectation spécifique ?
  3. Au regard de l’urgence climatique et de notre dépendance énergétique,
    plus encore l’hiver, un processus spécifique ne devrait-il pas être
    envisagé ? Le cas échéant, est-ce que le Genève prévoit notamment,
    comme les autres cantons romands, des procédures groupées de plan
    d’affectation et de permis de construire ?
  4. En termes de planification et de processus décisionnels, est-il réaliste
    d’envisager une échéance 2030 pour la réalisation d’une part
    (40 GWh/an) du potentiel éolien à Genève ? Le cas échéant, quelle est
    la planification envisagée ?
  5. Quel pourrait être le processus de planification territoriale qui
    permettrait de réaliser le potentiel éolien à Genève (100 à 180 GWh/an)
    dans un délai compatible avec l’urgence climatique et qui nous
    permettrait limiter notre dépendance énergétique ?

Réponse du Conseil d’Etat

Contexte

Diminuer la dépendance aux énergies importées et favoriser les énergies
locales, propres et renouvelables sont essentiels pour réaliser la transition
énergétique du canton et atteindre l’indépendance énergétique, à l’heure où
un conflit géopolitique en Europe impacte fortement les prix de l’énergie.

D’après une récente étude menée par l’Université de Genève et l’Ecole
polytechnique fédérale de Zurich, le portefeuille d’énergies renouvelables le
plus favorable à la décarbonation du système énergétique suisse et
susceptible de réduire la dépendance de la Suisse aux importations en
électricité notamment devrait être majoritairement composé d’énergies
éolienne et photovoltaïque.

Démarches actuelles

La Confédération a intimé aux cantons leur obligation d’inclure dans leur
plan directeur cantonal (PDCn), les zones éoliennes potentielles (ZEP) et
leurs intentions en termes de production d’énergie éolienne (art. 10 de la loi
sur l’énergie, du 30 septembre 2016 (LEne; RS 730.0), et art. 8, lettre b, de la
loi fédérale sur l’aménagement du territoire, du 22 juin 1979 (LAT; RS 700)).
La prochaine révision du PDCn intégrera les sites potentiels, conformément
au cadre législatif fédéral.

Une première étude a été réalisée afin de préciser les zones éoliennes
potentielles et les intentions du canton en la matière. Cette étude a identifié
un potentiel d’environ 14 unités pour une production estimée à 112 GWh/an.
Afin d’identifier les incidences environnementales liées à l’implantation de
telles unités, le département du territoire va lancer une évaluation
environnementale stratégique (EES). Selon le calendrier prévisionnel l’EES
devrait être finalisée pour la fin de l’année 2022, permettant une inscription
de l’éolien en 2023 dans le processus à venir de mise à jour du PDCn.

Dans ce cadre, une première étape d’étude, dite d’opportunité, vise à
consolider, par le bais d’une planification positive, le périmètre des zones
éoliennes potentielles (ZEP) et à identifier un set restreint de sites potentiels.
Une seconde étape d’étude, dite de faisabilité, cherchera à établir les sites les
plus à même de recevoir ces unités en tenant compte des contraintes et
enjeux, notamment environnementaux et sociaux.

Procédures groupées

Le canton de Genève ne dispose pas de procédure groupée pour ce type
d’objets. Un projet de modification de la LEne est actuellement en
consultation auprès des cantons, prévoyant l’introduction d’une procédure
concentrée par les cantons pour les installations au-delà d’un certain seuil.

Cela étant, il n’est pas acquis qu’une telle adaptation des procédures
entraîne concrètement une accélération. Une coordination matérielle des
procédures de plans d’affectation et d’autorisations de construire, qui seraient
conduites simultanément (procédure et adoption) permettrait sans doute
d’atteindre un résultat similaire et d’accélérer la mise en oeuvre du potentiel
éolien.

Echéances 2030 et démarches futures

Considérant qu’il faut parcourir l’ensemble des procédures de planification
(inscription PDCn, plan d’affectation, autorisation de construire),
l’administration compétente en charge de ce dossier mettra de façon efficiente
les moyens nécessaires à la réalisation de l’objectif de 2030 conformément à
la fiche 3.6 du PDE sur l’éolien et consistant à atteindre une production de
l’ordre de 40 GWh/an d’ici là.

Toutefois, développer sur le territoire exigu de Genève cette technologie
dans le respect de la protection de l’environnement, notamment en
privilégiant les installations et surfaces qui portent le moins atteinte à
l’environnement et au patrimoine matériel et naturel, est un défi de taille.