Valentin Dujoux

Conseiller municipal

La publicité commerciale remplit un but simple : présenter un produit sous un aspect attractif afin d’encourager sa consommation. Or, en poussant à l’achat, cette incitation à la consommation est sujette à questions, et avec ce double-vote du délibératif municipal, sa place est encadrée, repensée et atténuée.

Un questionnement juste …

C’est en 2017, à l’occasion du changement de l’entreprise en charge des espaces d’affichage en Ville de Genève, que sont apparus ces panneaux blancs. Entre dessins, slogans et véritables oeuvres d’art, la population genevoise s’est appropriée ses quartiers et a recouvert ce qu’étaient des publicités pour des vêtements, voitures et appareils électroniques.

De cet élan populaire ont fleuri nombre d’actions, dont l’émergence d’une initiative municipale « Genève zéro pub – libérons nos rues de la publicité commerciale ». Déposée avec plus de 4’600 signatures, ce texte populaire a ouvert un débat concret qui sera ensuite porté jusqu’au Tribunal fédéral. Puis sur les bancs du Conseil municipal.

Les initiant-es posent un questionnement légitime: jusqu’à quel point souhaitons-nous mettre à disposition notre espace public? Quelle exposition sommes-nous prêt-es à accepter pour faciliter la (sur)consommation et la (sur)pollution ? En 2022, ces réflexions semblent d’autant plus légitimes. Trois raisons principales les justifient: l’urgence climatique, qui fait peser une menace concrète et immédiate (et à laquelle les achats, notamment à travers des importations massives,  contribuent fortement), la réflexion autour de notre espace public qui est en train d’être profondément repensé, et la surconsommation, générant une spirale infernale aux conséquences économiques et humaines terribles. 

… contesté par des arguments malheureux …


Opposés à ce changement, les référendaires (dont plusieurs élu-es) accusent la majorité de gauche du Conseil municipal de déni démocratique. Il n’en est rien, ou alors ces derniers ne reconnaissent pas la légitimité de l’assemblée dans laquelle elles et ils siègent. Le travail en commission (avec une vingtaine d’auditions) et en plénières s’est fait, les débats ont été vifs et ont permis l’expression de points vue variés et contradictoires.

Démagogique? C’est aussi le terme employé pour qualifier cette soit-disante « posture » de la majorité de gauche. Mais en définitive, en votant l’initiative et son règlement, la majorité du Conseil municipal – élue démocratiquement en 2020 – ne fait que soutenir une demande populaire déposée en 2017. Une demande qu’elle considère comme juste, pertinente et légitime. Il n’y a donc ni démagogie, ni déni de démocratie.

Quant aux amendements déposés par les référendaires et leurs représentant-es, ces-derniers ne poursuivaient qu’un but: ralentir les débats. Il ne s’agissait en rien d’améliorer le texte tant les amendements enfonçaient des portes ouvertes: les artisans et commerçants pourront poursuivre la publicité sur leurs vitrines, les transports publics seront exclus du champ d’application et les organisations à but non-lucratif pourront continuer avoir recours à l’affichage sur la voie publique.

… et qui sera (probablement) tranché par la population.

En votant ces textes, une majorité du Conseil municipal a fait un choix fort qui vise à réduire la place de la publicité commerciale. Par son vote, elle privilégie l’affichage culturel, associatif, événementiel… et vierge de publicités des concessionnaires automobiles, compagnies aériennes et sites de vente en ligne. C’est un choix de société à la mesure des multiples urgences auxquelles nous faisons face.

Et oui, ces choix ambitieux ont des conséquences, notamment sur les finances de la Ville. Mais tout comme les financements issus de l’armement ou des matières et énergies fossiles, ceux provenant d’acteurs participant au dérèglement climatique sont un non-sens. Le débat long et nourri qui a eu lieu au sein du Conseil municipal est intéressant tant il souligne des divergences de fond en termes de choix de société. Et ces réflexions ne concernent pas que la Ville de Genève, j’en prends pour exemple le conseil communal d’Yverdon-les-Bains, qui lui aussi souhaite se passer de la publicité commerciale dans son espace public. Et je fais le pari que ces villes seront prochainement rejointes par d’autres.

Le référendum est un outil politique magnifique puisqu’il permettra aux habitant-es de la Ville de s’exprimer sur ce choix du Conseil municipal. Il reste toutefois certaines étapes à franchir puisque les référendaires ont 40 jours pour récolter 3’200 signatures. Et si celui-ci est déposé et validé, il restera à la droite et aux acteurs économiques de faire mieux que lors des votations sur Clé-de-Rive ou la Cité de musique. Deux scrutins pour lesquels elles n’ont pas réussi à convaincre une majorité de la population. La campagne qui s’annonce restera belle car elle fait vivre la vie de la Cité.

Le référendum sur la publicité commerciale dans l’espace public, oui, parlons-en. Car, il fait vivre la vie démocratique et implique la population dans des choix visionnaires et concrets. Il n’en demeure pas moins que ce débat, pour être sain, devra être porté avec respect et intégrité par les référendaires, sans peindre le diable sur la muraille. Car en accompagnant la redéfinition de la place que nous accordons à la publicité commerciale, c’est faire le choix d’une société qui privilégie qualité et sobriété, deux termes qui ne sont désormais plus contradictoires.