Après 3 ans et demi de travaux, le Grand Conseil est retourné siéger dans ses murs. La salle et ses alentours, pour la somme de 20 millions, ont été entièrement rénovés. Le changement est spectaculaire. Espérons que cette salle lumineuse et boisée participera à rendre les débats sereins et constructifs. En attendant de vérifier dans les mois à venir si tel est le cas, les député-e-s ont abordé au cours de cette session de nombreux sujets sociétaux qui l’ont rendue fort intéressante avec de nombreuses prises de parole verte.

4 initiatives renvoyées en commission

1) « Pour l’abolition des rentes à vie des Conseillers d’Etat » IN 174

Le corps électoral genevois a voté le 28 novembre dernier en faveur de cette initiative qui demande de mettre les anciens Conseillers et Chanceliers d’Etat sur un pied d’égalité avec la population du canton, en prévoyant les mêmes rentes et délais que ceux prévus par l’assurance chômage. Le Parlement a jusqu’en décembre 2022 pour concrétiser cette initiative non formulée qui a été renvoyée à la commission des finances.

2) « Pour la réduction de l’impôt sur les véhicules » IN 178

L’initiative qui vise à réduire de moitié l’impôt sur les véhicules a été renvoyée en commission fiscale. Cette dernière a six mois pour rendre son rapport au Grand Conseil qui devra décider en septembre s’il prend en considération cette initiative et s’il lui oppose ou non un contreprojet.

Pour justifier sa demande, le comité d’initiative avance que « l’Etat supprime régulièrement des infrastructures dévolues aux transports individuels motorisés. » Pierre Eckert s’est inscrit en faux contre cette affirmation : « Plusieurs nouvelles routes ont été ouvertes dans les dernières années. La Route des Nations et la nouvelle jonction autoroutière du Grand-Saconnex coûte plusieurs centaines de millions de francs au canton et à la Confédération. La surface dévolue aux transports individuels motorisés n’est clairement pas en diminution. De fait, les bouchons que fustige l’initiative proviennent essentiellement de la multiplication du nombre de voitures individuelles en circulation et pas de la surface qui leur est mise à disposition. » Il a insisté sur le fait que « l’urgence climatique et la santé des personnes habitant les zones urbanisées rendaient nécessaire de donner une nouvelle orientation à la composition du parc automobile genevois, ce que l’initiative ignorait totalement avec sa réduction linéaire de l’impôt. »

3) « Contre le virus des inégalités… Résistons ! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires » IN 179

Cette initiative demande que les 1600 gros actionnaires genevois qui touchent 1 milliard par an de dividendes comme propriétaires de 10% au moins des actions d’une société soient taxés à 100%. Selon le comité d’initiative, cela rapporterait 120 millions de plus au canton et aux communes. Le texte a également été renvoyée à la commission fiscale et devra être traité de la même manière et dans les mêmes délais que la précédente.

4) « Pour + de logements en coopérative »  IN 180

Cette initiative vise à développer l’habitat coopératif et demande que d’ici 2030, 10% du parc de logements à Genève soient détenus par des coopératives. Ainsi, dans les années à venir quelques 10 000 appartements en coopérative seraient créés. L’initiative a été renvoyée en commission du logement où elle sera traitée de la même manière que les deux précédentes.

David Martin a vanté les bienfaits des coopératives qui « apportent des avantages évidents en matière de vivre ensemble et de lien social. Elles ont un rôle pionnier dans le domaine de la construction durable. Mais le point fort des coopératives est le niveau des loyers. Sur la durée, le parc ancien des coopératives genevoises offre des loyers moyens 38% moins chers que sur le reste du marché, et ce, sans subvention! Par conséquent, demander aux collectivités cantonales et communales de mettre à disposition des terrains pour doubler le nombre de logements en coopératives relève tout bonnement du bon sens. »

Aéroport international de Genève

Lors de cette session, il a été longuement question de l’aéroport. Et plutôt deux fois qu’une. Il s’agissait, premièrement, d’autoriser le Conseil d’Etat à consentir un prêt d’un montant maximal de 200 millions de francs en faveur de l’Aéroport international de Genève (AIG) destiné à fournir les liquidités nécessaires au maintien et à la poursuite des activités de l’établissement dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19. (PL 12876 A)

Boris Calame, rapporteur de minorité, a enjoint le Grand Conseil « étant donné que les 200 millions proposés au prêt était pour l’heure sans condition, et compte tenu du respect et de la protection que l’Etat devait impérativement à la population, de soutenir les quatre amendements déposés par les Vert-e-s. » Il a ajouté « qu’à terme, la survie ou non de l’aéroport ne dépendrait pas des millions en prêt, mais bien de son acceptation par la population au regard des efforts urgents et obligatoires qu’il se devait de réaliser. »

Les amendements visaient à assurer le repos nocturne des populations riveraines (aucun mouvement commercial planifié entre 22h00 et 06h00), à limiter les vols de court-courriers de moins de 300 km en promouvant des solutions ferroviaires alternatives, à assujettir les entreprises concessionnaires de la plateforme aéroportuaire à une Convention collective de travail. Un dernier amendement demandait à l’AIG d’alimenter un fonds de reconversion dédié à son personnel, ainsi qu’à celui des entreprises concessionnaires. Ces propositions ayant été refusées par la majorité de droite, la députation verte s’est opposée, avec Ensemble à Gauche, à ce chèque en blanc.

Quant au second point, il concernait la modification de la loi sur l’aéroport suite à l’acceptation par le peuple de l’initiative « Pour un pilotage démocratique de l’aéroport de Genève – Reprenons en main notre aéroport » (PL 12879 A). Pour Pierre Eckert « le projet de loi déposé par le Conseil d’Etat était très minimaliste. Après de multiples auditions de communes et d’associations de riverains, dont CARPE qui avait lancé l’initiative, il est ressorti que le projet de loi proposé ne correspondait en rien à leurs attentes. Les Vert-e-s ont alors proposé une série d’amendements permettant de se rapprocher des objectifs de l’initiative, mais ils ont été en grande partie balayés par la majorité de droite de la commission. Cela aurait très certainement conduit à un vote final polarisé et à un nouveau vote populaire sur ce sujet clivant. L’esprit de Genève a alors frappé et le Conseil d’Etat a négocié avec CARPE pour arriver à un texte de consensus qui a pu être adopté par une très grande majorité de la commission. » Et également par le Grand Conseil.

Pour plus d’infos : https://verts-ge.ch/linitiative-pour-un-pilotage-democratique-de-laeroport-traduite-dans-un-projet-de-loi/

Renforcement de la protection de la jeunesse contre le tabagisme

Le Grand Conseil a voté à une très large majorité un projet de loi qui crée des espaces extérieurs sans fumée, particulièrement fréquentés par des jeunes, tels que les aires de jeux, les pataugeoires, les terrains sportifs, les patinoires, les piscines ou encore les abords des établissements de formation, des écoles et des garderies. (PL 12806 A)

Didier Bonny a souligné « qu’en Suisse, le nombre des fumeuses et fumeurs se situait autour des 27%, qu’un tiers était âgé de 15 à 25 ans et que 87% avaient commencé de fumer avant 20 ans. » Il a rappelé que « chaque année, le tabac tuait 9500 personnes et coûtait 5,6 milliards de francs. » Il a également mis en avant le fait que « d’un point de vue environnemental, on estimait qu’un tiers seulement des mégots finissaient à la poubelle, les autres étant jetés au passage dans la rue ou par la fenêtre. Ils atterrissaient dans la nature, polluant les cours d’eau, empoisonnant les animaux et entravant la croissance des plantes. »

Rapport du Conseil d’Etat sur le packing

Le Grand Conseil a pris acte du rapport du Conseil d’Etat sur la motion 2714 (M 2714 B) sur la problématique du packing, une pratique controversée pour les enfants et les jeunes autistes qui consiste à emballer le patient dans des draps humides et froids. Au cours d’une intervention engagée et vibrante, Marjorie de Chastonay a dit que « même si les associations qui se préoccupaient d’autisme étaient satisfaites que le packing ne soit plus pratiqué à Genève, leur combat continuait. » Et de citer l’article du Temps qui, dans son édition du 27 janvier, prouvait l’existence de mauvais traitements répétés de la part d’une partie du personnel du foyer genevois de Mancy (la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil a créé une sous-commission le 31 janvier chargée d’enquêter sur les dysfonctionnements au sein de cette institution).

Marjorie de Chastonay a appelé « le Conseil d’Etat à informer largement et de manière interdépartementale sur la problématique de l’autisme, à savoir pas seulement dans les établissements de santé et ceux pour personnes en situation de handicap (EPH), mais aussi dans tous les foyers accueillant des enfants et des jeunes, dans les écoles, les centres médico-pédagogiques afin que la violence cesse et que les intérêts des jeunes soient enfin au cœur des préoccupations des professionnels et pris en considération. »

Patinoire du Trèfle-Blanc

Le Grand Conseil, contre l’avis des Vert-e-s, a voté un crédit d’étude de 11 700 000 francs en vue de la construction de la patinoire du Trèfle-Blanc à Lancy (PL 13007 A). Adrienne Sordet, rapporteure de minorité, a souligné qu’il y avait deux problèmes majeurs avec la patinoire projetée. Tout d’abord, le coût d’exploitation : « L’entier des frais n’est pas couvert, et, à ce jour, c’est encore une fois l’Etat qui devra passer à la caisse, avec la crainte de reproduire un stade de la Praille bis. » Ensuite, « le projet est énergivore, prévoit peu de matériaux recyclés, comprend 24’000m2 de surfaces d’activité et un P+R, alors même que Genève croule sous les offres de bureau. À l’heure où l’urgence climatique est déclarée, où le plan climat cantonal préconise la sobriété énergétique, il nous est proposé un projet démesuré, digne de l’époque « d’avant », celle du gigantisme, en dehors de la réalité actuelle et de l’attente de la population. » 

François Lefort lui a emboîté le pas en disant « que s’il fallait construire des patinoires, il fallait le faire de façon écologique et durable et que cela existait depuis plus de dix ans. Il y a un savoir-faire suisse et européen en la matière, le moment du crédit d’études sera donc de trouver avec les prestataires expérimentés la meilleure solution pour une patinoire la moins coûteuse en énergie, en particulier pour aboutir à des patinoires neutres en carbone, seule façon de participer à l’objectif cantonal de réduction de 60% des émission de gaz à effet de serre. »

En bref

Le Grand Conseil, avec le soutien de la députation verte, a :

–  suivi la Conseillère d’Etat Fabienne Fischer en renonçant à percevoir la taxe annuelle 2022 pour l’usage accru du domaine public des taxis, comme il l’a déjà fait en 2020 et 2021, en raison de la crise sanitaire qui continue d’impacter négativement leur travail (PL 13064) ;

– exempté, dans le même esprit, les établissements de restauration, de débit de boissons, d’hébergement et de divertissement de la taxe annuelle 2021 et 2022 (PL 12976 A) ;

– modifié la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève pour formaliser le mécanisme de destitution d’un membre du Conseil d’Etat (PL 12828 A) ;

– accordé une aide financière de 1 090 000 francs à la Fondation du Stade de Genève pour l’année 2021 (PL 13052) ;

– renvoyé à la commission des affaires sociales un projet de loi sur la prévention et la lutte contre le surendettement (PL 13063).

Par Didier Bonny, député.

Prochaine session les 24 et 25 février.