Philippe de Rougemont

Question écrite déposée par Philippe de Rougemont en novembre 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: Q 3880 A

Exposé de la question:

Ma question s’adresse au Conseil d’Etat et concerne notre canton en tant
qu’actionnaires de la BNS. Alors que la loi impose à la BNS de redistribuer
ses bénéfices excédentaires aux gouvernements fédéral et cantonaux, la BNS
a retenu 80 milliards de francs dans une « réserve pour distribution future ».
De son côté, le canton met en oeuvre son plan climat cantonal qui induira un
endettement supplémentaire de 11 milliards de francs.

D’autre part la BNS investit ses actifs notamment dans l’industrie fossile
responsable de la catastrophe écologique en cours contre laquelle nous
engageons des moyens inédits.

Ces considérations m’amènent à questionner comme suit le Conseil d’Etat
que je remercie par avance pour ses réponses :

  1. Que compte faire le canton de Genève comme actionnaire de la Banque
    nationale suisse pour obtenir que celle-ci verse la part des bénéfices
    excédentaires revenant aux cantons ?
  2. Que compte faire le canton de Genève comme actionnaire de la Banque
    nationale suisse pour obtenir que celle-ci mette une fin au financement
    des industries actives dans l’exploration, extraction et distribution de
    matières fossiles responsables de la catastrophe écologique en cours ?

Réponse du Conseil d’Etat

1. Que compte faire le canton de Genève comme actionnaire de la Banque
nationale suisse pour obtenir que celle-ci verse la part des bénéfices
excédentaires revenant aux cantons ?
A titre liminaire, le Conseil d’Etat relève qu’il a déjà répondu à de
multiples reprises à des objets similaires (M 2447, QUE 954, QUE 885,
QUE 811 ou encore QUE 722) et qu’il ne paraît pas efficient de solliciter
l’administration encore une fois sur le même sujet.
Le canton de Genève, en tant qu’actionnaire de la Banque nationale suisse
(BNS), participe aux assemblées générales et y exerce son droit de vote
conformément aux dispositions légales en vigueur.
La décision relative à l’affectation du bénéfice porté au bilan et le montant
du dividende, dont la distribution à la Confédération et aux cantons, fait
effectivement l’objet de vote lors de l’assemblée générale. A l’issue de
l’assemblée générale, la BNS met en oeuvre les décisions prises et procède, en
particulier, au versement des montants revenant à la Confédération et aux
cantons dans les jours suivants.
Le Conseil d’Etat souhaite rappeler que la distribution du bénéfice de la
BNS à la Confédération et aux cantons est régie par le droit fédéral ainsi que
par une convention de distribution conclue entre le Département fédéral des
finances (DFF) et la BNS.
Le Conseil d’Etat rappelle également qu’une nouvelle convention de
distribution, qui porte sur la période de 2020 à 2025, a été négociée puis
signée le 29 janvier 2021. Elle a été soumise à la consultation préalable des
cantons, via la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des
finances (CDF). Cette convention assure une distribution potentiellement
plus importante. Elle repose sur un montant de base et 4 valeurs-seuil
permettant des distributions supplémentaires (6 milliards de francs au
maximum). Le montant de base de 2 milliards de francs est versé pour autant
qu’un bénéfice d’au moins 2 milliards de francs soit porté au bilan et que le
solde de la réserve pour distributions futures ne devienne pas négatif en
raison des montants distribués à la Confédération et aux cantons ainsi que du
dividende versé aux actionnaires (1,5 million de francs au maximum). Dans
ce cadre, le canton de Genève a reçu un montant inédit de 234 millions de
francs au titre de l’exercice 2020 et va recevoir encore 234 millions de francs
au titre de l’exercice 2021, soit le montant maximal possible selon la
convention actuelle et, d’un point de vue historique, le montant le plus
important reçu à ce jour. Ces montants sont conformes aux dispositions
légales et réglementaires en vigueur. Ainsi, le canton de Genève, en sa qualité d’actionnaire de la Banque
nationale suisse, ne possède pas les compétences pour modifier la part des
bénéfices distribués aux cantons.

2. Que compte faire le canton de Genève comme actionnaire de la Banque
nationale suisse pour obtenir que celle-ci mette une fin au financement
des industries actives dans l’exploration, extraction et distribution de
matières fossiles responsables de la catastrophe écologique en cours ?
Le Conseil d’Etat souhaite rappeler que la BNS conduit la politique
monétaire du pays. Elle doit se laisser guider par l’intérêt général du pays,
donner la priorité à la stabilité des prix et, ce faisant, tenir compte de la
conjoncture, cela conformément à la Constitution et à la loi.
La BNS gère les réserves monétaires, qui constituent la majeure partie de
ses actifs. Ces réserves lui permettent de disposer en tout temps de la marge
de manoeuvre nécessaire. Leur volume résulte essentiellement de la mise en
oeuvre de la politique monétaire.
La solidité du bilan de la BNS est un objectif central de la politique de
placement, c’est pourquoi les placements sont structurés de sorte à diversifier
au maximum les risques, le changement climatique étant un de ces risques.
Ainsi, le canton de Genève, en sa qualité d’actionnaire de la Banque
nationale suisse, ne possède pas les compétences pour modifier la politique
de placement de la BNS, qui ne fait d’ailleurs pas l’objet d’un vote des
actionnaires lors de l’assemblée générale annuelle.
Il convient toutefois de relever que la BNS a adapté en décembre 2020 les
critères d’exclusion de sa politique de placement en élargissant le critère
environnemental, en y intégrant des aspects climatiques. Ainsi, la BNS exclut
de ses portefeuilles les entreprises qui sont principalement actives dans
l’extraction du charbon.
Par ailleurs, il faut aussi relever que le Conseil fédéral s’est montré
favorable au postulat 20.3012 « Objectifs de développement durable pour la
Banque nationale suisse ». Il a précisé que le rapport y relatif permettrait
d’examiner les effets potentiels des risques climatiques et environnementaux
sur la stabilité des prix et la stabilité financière ainsi que les possibilités et les
limites d’une prise en compte des objectifs de développement durable dans la
politique de placement de la BNS. Les travaux ont débuté au printemps 2021,
et le rapport devrait être rédigé d’ici à l’automne 2022, sous l’égide de
l’Administration fédérale des finances. Enfin, le Conseil d’Etat rappelle que les préoccupations liées à l’urgence
climatique font pleinement partie de la politique qu’il mène au niveau
cantonal et relaie au niveau fédéral.