Pierre Eckert

Question urgente écrite déposée par Pierre Eckert en décembre 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1664 A

Exposé de la question:

L’administration communale de Versoix vit depuis plusieurs années une situation instable. Elle a déjà fait l’objet d’un audit de la part de la Cour des comptes entre 2015 et 2018. Plusieurs recommandations avaient été émises.

Il est difficile de savoir si ces recommandations ont été suivies d’effet, mais il est permis d’en douter, puisque récemment de nouveaux éléments de dysfonctionnement graves ont été répercutés dans la presse. D’abord dans Téléversoix le 31 août 2021, puis dans Vigousse le 3 septembre 2021, et ensuite le 28 septembre 2021 dans la Tribune de Genève et Le Courrier. On y parle de « grandes tensions à la tête de l’administration » et de souffrance au travail d’employés communaux.

En septembre 2021, dans son rapport annuel 2020-2021, la Cour des comptes a placé une recommandation pour la commune de Versoix :

Griefs liés à un comportement inadéquat :

La Cour des comptes a reçu plusieurs communications au sujet de potentiels comportements inadéquats de la part d’un employé de la Ville de Versoix. La Cour des comptes en a informé le Conseil administratif de Versoix, l’a invité à investiguer et, cas échéant, à prendre les mesures nécessaires.

Cela a conduit 18 conseillères et conseillers municipaux (essentiellement Verts et PLR) sur 27 à déposer une interpellation adressée au Conseil administratif, au Conseil d’Etat et à la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. Cette lettre demande explicitement « une analyse approfondie, externe et indépendante ».

Le 10 octobre, le groupe PDC qui n’était pas signataire de l’interpellation initiale a également demandé par voie de communiqué de presse « de lancer un audit du fonctionnement de l’exécutif et de l’administration ».

Lors du Conseil municipal du 22 novembre dernier, plus de deux mois après les premiers signaux, le Conseil administratif n’a pas communiqué sur les démarches entreprises. Il n’a pas été en mesure de répondre à la question orale posée, lors de cette même séance, par 19 conseillères et conseillers municipaux.

Malgré les nombreuses alertes et demandes d’ouvrir une enquête, aucun mandat en ce sens n’a été donné à ce jour.

Je prie en conséquence le Conseil d’Etat de répondre aux questions suivantes

  • A l’heure où les principes d’éthique, de transparence et de santé au travail sont largement mis en avant, comment se fait-il que, au sein d’une commune genevoise, des accusations très graves provenant de plusieurs sources et qui ont été portées à la fois publiquement et auprès de la Cour des comptes ne fassent pas encore l’objet d’une enquête en bonne et due forme, avec les mesures d’accompagnement nécessaires, comme la suspension des personnes visées pendant la durée de l’enquête ?
  • Le Conseil d’Etat ne devrait-il pas envisager d’engager une action immédiate pour que des réponses aux alertes d’autoritarisme, d’abus de pouvoir et de gestion par la peur soient fournies ?
  • Qu’attendent le Conseil administratif de Versoix et/ou le service des affaires communales pour demander l’ouverture d’une telle enquête ?

Réponse du Conseil d’Etat

Dans les limites de ses compétences, le Conseil d’Etat a engagé différentes
démarches pour s’efforcer de contribuer à améliorer le climat dans la commune
de Versoix.

D’abord, le département chargé des affaires communales a été contacté dès
l’été 2019 par le syndicat impressum suite aux allégations contenues dans le
journal Vigousse. Il a mené des investigations qui n’ont abouti à aucun fait
relevant de la compétence disciplinaire du Conseil d’Etat. Au début de la
législature municipale 2020, il a été sollicité par l’une ou l’un des membres de
l’exécutif municipal qui signalait diverses problématiques principalement en
lien avec les relations au sein de l’exécutif. Le département a émis des
suggestions et n’a pas reçu de nouvelle plainte pendant plusieurs mois. Puis,
suite à la résurgence des conflits au sein de l’exécutif courant 2021, le
département a rencontré chaque membre de l’exécutif municipal, puis dans un
second temps, en septembre 2021, a organisé une réunion avec l’exécutif in
corpore. Des mesures ont été décidées à cette occasion à l’unanimité des
membres de l’exécutif. Elles devaient porter, d’une part, sur le climat au sein
de l’exécutif lui-même, et d’autre part sur un examen de l’organisation de
l’administration et de la répartition des rôles et compétences au sein de celleci.
Le département a suggéré plusieurs personnalités à qui confier ces tâches.
L’exécutif communal devait s’entendre sur le choix de ces personnalités.

Malheureusement, un tel accord n’a pas encore été trouvé. A ce stade, il est
impossible pour le Conseil d’Etat d’imposer un choix à l’exécutif municipal.
Conformément à l’ordre constitutionnel, les compétences de surveillance des
communes par le Conseil d’Etat ne peuvent en aucun cas l’amener à contrôler
le fonctionnement d’une administration municipale, compétence que la loi
réserve exclusivement au conseil administratif. Il appartient donc à l’exécutif
de Versoix, selon les règles décisionnaires usuelles prévues par la loi sur
l’administration des communes, de décider des mesures qu’il prendra.

En outre, s’agissant du fonctionnement des exécutifs, les compétences du
Conseil d’Etat se limitent aux aspects disciplinaires. A ce titre, il a rappelé à
l’exécutif sa responsabilité en ce qui concerne la protection du personnel de
l’administration, y compris la protection de leur personnalité dans le cadre de
déclarations, orales ou écrites.

Concernant la Cour des comptes, l’audit conduit entre 2015 et 2018 a fait
l’objet de recommandations entièrement mises en oeuvre par la commune et
sans rapport avec les allégations relayées par la presse. A propos de celles-ci,
la Cour a reçu en octobre 2020 un lanceur d’alerte alléguant des
dysfonctionnements. Après une année d’investigations préalables, en octobre 2021, la Cour a renoncé à ouvrir une mission de contrôle. Dans l’intervalle, elle
avait pris soin de s’assurer que la commune disposait d’un contrat avec une
personne de confiance indépendante et extérieure à l’administration, auprès de
laquelle des éventuels cas de harcèlement peuvent faire l’objet de dénonciation.
La Cour des comptes a par ailleurs examiné les taux d’absentéisme du
personnel, et a constaté que ceux-ci ne font pas ressortir une situation
particulièrement problématique et qu’ils sont proches des taux de
l’administration cantonale.

L’office de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) a également été
contacté par certains dénonciateurs et les a invités à lui adresser directement
tout membre du personnel potentiellement affecté par des dysfonctionnements
de l’administration municipale. Par la même occasion, l’OCIRT a rappelé qu’il
était tenu de garder strictement confidentielles d’éventuelles plaintes qui lui
parviendraient. C’est aussi pourquoi l’OCIRT n’est pas non plus autorisé à
communiquer sur le fait qu’il initie un contrôle, ou qu’il n’en initie pas, car cette
information constituerait un indice sur la nature des informations reçues par
lui.

L’OCIRT et le service des affaires communales ont par ailleurs adressé un
courrier aux 3 membres du Conseil administratif de Versoix, fin 2021, pour
leur proposer de les rencontrer afin de les renseigner sur leurs domaines de
compétence respectifs et de leur faire part de ce que l’Etat pouvait faire pour
tenter de les aider à trouver des solutions aux différends qui les opposent.