Juste sur la frontière franco-suisse, les secteurs de Paimboeuf, de Très-la-Grange et de la Poterie sont regroupés dans une Zone d’aménagement concertée (ZAC) de 65 hectares, et font l’objet d’un développement urbain très contesté car surdimensionné. Le projet est piloté par la Communauté d’agglomération du Pays de Gex, via la mission confiée à la Société publique locale Terrinov. Depuis deux ans, la critique sociale s’organise à Ferney, remettant en question les 63’000 m2 de surfaces prévues notamment pour des commerces, restaurants, cinémas, activités de loisirs et parking de 1’600 places sur trois niveaux.

Le pays de Gex est déjà la région de France qui compte le plus grand nombre de m2 de centres commerciaux par habitant. Dans le contexte actuel du développement urbain, en lien avec les problèmes climatiques et sanitaires :  densification, saturation du trafic pendulaire, sauvegarde du patrimoine bâti et paysager, préservation de la biodiversité, identité urbaine, mixité et équilibre logement/emploi, etc., les préoccupations de la population alertent quant aux bouleversements que provoqueront ce nouveau temple consumériste de 32 mètres de haut, et qui portera une atteinte irréversible pour Ferney et ses communes voisines.

La commune de Ferney-Volataire n’étant pas entrée en matière sur le recours « gracieux » déposé au nom du mouvement Poterie Riposte, contre le permis de construire du Centre commercial, les dirigeantes de l’association déposent alors un recours au Tribunal Administratif de Lyon. La décision n’est pas encore tranchée, et la contestation s’étend à tout le pays de Gex, jusqu’en Suisse. L’enjeu est de taille pour la dynamique du projet d’agglomération transfrontalière, dit du Grand Genève, face à un projet « aveugle » et démentiel ! En termes social, environnemental et économique, dans le processus d’urgence proclamé  à « dessiner la transition écologique » d’ici 2030, il est inimaginable que le GLCT (Groupement local de coopération transfrontalière), présidé par notre magistrat en charge du Département du Territoire, de faire la sourde oreille sur ce projet, au pretexte de « non ingérence » dans les régions respectives qui composent la gouvernance du Grand Genève. Les questions des inégalités économiques, sociales et spatiales posées par les débats et les critiques publics s’intensifient, car il y a mieux à faire dans la Ville de Voltaire !

Dichotomie dans le Grand Genève ?

L’association Poterie-Riposte espère bien interpeller le GLCT et le Forum d’agglomération pour modifier les orientations productivistes du projet territorial dans le Pays de Gex. Samedi 29 janvier 2022 nous étions plus de 400 personnes à tenir un meeting devant la Mairie, puis défiler dans les rues des quartiers Ferneysiens. La présidente, Anne Durand et son comité, des représentants et militants des associations du Pays de Gex, Delphine Klopenstein, conseillère nationale suisse, sont respectivement intervenus. Tous ont dénonçé la teneur et les impacts désastreux du projet, et affirmé leur volonté de poursuivre le mouvement en vue d’élaborer un contre-projet alternatif. Pour cela des ateliers participatifs, soutenus par des architectes et urbanistes « sans frontière » ont eu lieu le 20 novembre dernier. L’Association entend démontrer qu’une modification radicale de l’aménagement urbain du lieu-dit La Poterie est possible, si l’on écoute et associe les habitants. Ceci en relation à la fois avec le dessein du Projet de paysage du Grand Genève (maillage vert), et en prenant appui sur la Grande Consultation du Grand Genève au prisme de la transition écologique[1].

C’est ici l’occasion de rappeler qu’une posture écologique et humaniste se doit d’être cohérente et crédible. Avertir le GLCT du risque d’un double discours entre les objectifs et les nombreuses études louables menées depuis 2008, et les réalités de terrain et les mises en œuvre contraires. La dynamique transfrontalière nous faisait croire à un paysage et un urbanisme prometteur – 2008 et 2012 première et deuxième génération – ces objectifs doivent renaître, avoir le courage du renoncement envers des projets surdimensionnés et dépassés, comme l’est celui de Ferney-Voltaire, et ces centres qui se multiplient dans la région transfrontalière.

Marcellin Barthassat, architecte-urbaniste

[1] : Initiée en 2021 par la Fondation Braillard architectes (FBA), en collaboration avec des institutions genevoises et françaises impliquées dans le projet d’agglomération.