Marjorie de Chastonay

Motion déposée par Marjorie de Chastonay en novembre 2021

Texte complet: M 2807

Exposé des motifs:

L’Appel du Rhône est une mobilisation citoyenne, populaire et transnationale pour la reconnaissance d’une personnalité juridique du Rhône (de son glacier à son delta). L’Appel du Rhône a été notamment relayé par l’association porteuse du projet : id.eau.

Le Rhône doit être compris comme un ensemble fondamental d’écosystèmes à la fois pour les populations locales, pour la nature et pour le climat. L’Appel du Rhône part du constat que la protection du fleuve est actuellement insuffisante. En témoignent les atteintes massives que subit le bassin versant du Rhône depuis des décennies, qui s’aggravent avec le temps : fonte du glacier, pollutions des eaux, déchets plastiques, aménagements qui portent atteinte aux biotopes, etc.

L’Appel du Rhône constate que « Les règles de protection, d’aménagement et d’utilisation du Rhône sont fragmentées entre un grand nombre d’instruments juridiques de part et d’autre de la frontière entre la Suisse et la France, et sont ainsi d’une grande complexité. Le caractère transfrontalier du Rhône renforce la nécessité d’une mise en oeuvre d’une nouvelle norme fondamentale garantissant une réponse immédiate et efficace aux défis auxquels la survie du fleuve est confrontée ».

Il y a divers précédents ailleurs dans le monde : la rivière Vilcabamba, en Equateur (2011), le fleuve Atrato, en Colombie (2016) ou encore le fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande (2017). Ces démarches ont permis d’améliorer la prise de conscience des impératifs écologiques concernant ces cours d’eau, tout en favorisant l’émergence de nouveaux instruments de protection.

Concrètement, l’Appel du Rhône vise à encourager toutes les démarches permettant d’élargir les mécanismes de protection du Rhône par de nouveaux mécanismes de protection (droits de recours). L’Appel vise à sensibiliser la population à la nécessité d’améliorer la protection du Rhône et de toutes ses composantes naturelles.

Alors que Genève est entré en situation d’urgence climatique depuis décembre 20195 et que, « dans ce contexte, le Conseil d’Etat a décidé de renforcer les objectifs climatiques cantonaux en déclarant l’urgence climatique. Concrètement, il a pour ambition de réduire de 60% (contre 40% initialement prévus) les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à leur niveau en 1990, et vise la neutralité carbone en 2050 ». Il serait cohérent d’éviter toute atteinte massive au bassin versant du Rhône.

Lors de la présentation du Plan climat cantonal (PCC) 2e génération (2030), le Conseil d’Etat in corpore faisait la déclaration suivante : « La politique climatique vise à minimiser et anticiper des changements dont les coûts économiques et sociaux pourraient être extrêmement élevés. Les “coûts de l’inaction” ainsi évités renvoient à une diversité de dégradations ou perturbations affectant les systèmes environnementaux et socio-économiques à toutes les échelles ». Il est donc important d’agir à tous les niveaux, de manière systémique, en incluant la protection du Rhône et sa biodiversité.

En effet, il faut ici rappeler l’enjeu de l’accès à l’eau potable et à son assainissement. De la source jusqu’à l’épuration, les différents cantons et acteurs doivent pouvoir identifier les impacts du réchauffement climatique et de la diminution de la biodiversité sur le Rhône tout en maintenant l’eau du Rhône comme une ressource essentielle à l’approvisionnement en eau pour la population. En effet, la population genevoise bénéficie d’eau potable via le lac Léman dans lequel le Rhône se jette puis en ressort. Dès lors, pour maintenir les équilibres, cette eau que nous buvons est une ressource fondamentale pour tous les équilibres écosystémiques et pour l’accès à l’eau pour la population genevoise.

Par conséquent, le Rhône offre une multitude de systèmes écosystémiques que cela soit pour les êtres humains ou encore pour la flore, les oiseaux, les batraciens ainsi que de nombreuses autres espèces. Il est temps que le canton de Genève devienne signataire de l’Appel du Rhône afin de lui apporter la protection nécessaire comme le mentionnent déjà la Convention de Ramsar, la zone Emeraude et les différents accords signés. C’est aussi une tâche de la Suisse de protéger ce patrimoine « bleu », et donc, du canton !

Pour faire face aux défis que représentent les changements climatiques et l’effondrement de la biodiversité, il est nécessaire aujourd’hui de doter le Rhône d’une personnalité juridique et d’aménager des voies de droit permettant de faire valoir les violations de cette personnalité en justice. Comme mentionné plus haut dans l’exposé des motifs, certains fleuves ont déjà reçu cette protection, considérés dès lors comme une entité vivante. Ce statut permettrait à des citoyen.ne.s de saisir la justice à ce titre. Le Rhône fait partie de la Suisse. Il y naît, il y coule et il traverse trois cantons, le Valais, Vaud et Genève, pour ensuite aller se jeter en France dans la mer Méditerranée. Il a une valeur patrimoniale à laquelle la population genevoise est attachée. Renforcer sa défense, c’est renforcer sa protection.

L’Appel du Rhône a déjà été signé par un très grand nombre de particuliers, d’associations et de collectivités publiques, à l’image de la Ville de Lyon. Peu d’organismes en Suisse ont toutefois fait le pas à ce jour.

Par la présente motion, les député.e.s soussigné.e.s demandent au Conseil d’Etat d’entreprendre toutes les démarches utiles pour que le canton de Genève soit signataire de l’Appel du Rhône.