Marjorie de Chastonay

Question urgente écrite déposée par Marjorie de Chastonay en novembre 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1646 A

Exposé de la question:

Depuis l’entrée en vigueur le 30 juin 2021 du règlement sur la pédagogie
spécialisée (RPSpéc), la situation entre les logopédistes et le DIP s’est
détériorée.

Ce dernier entretient une insécurité préjudiciable aussi bien aux patients
qu’aux logopédistes. Le nouveau RPSpéc prévoit que la décision d’octroi
précède la mise en oeuvre de la prestation. Il abandonne donc le principe de
rétroactivité qui était en vigueur sous l’ancien régime. En réponse à une levée
de boucliers des logopédistes, le département les a informés le 10 septembre
2021 de l’adoption d’un moratoire jusqu’au 31 décembre 2021 sur la
rétroactivité des décisions d’octroi émises par le service de la pédagogie
spécialisée (SPS) des prestations de logopédie. A partir du 1er janvier 2022,
les patients devront donc attendre la décision d’octroi sur le bilan du
thérapeute avant de pouvoir bénéficier d’une prise en charge. Parallèlement,
la durée conduisant à l’octroi d’une décision n’a cessé de se prolonger depuis
l’entrée en vigueur du RPSpéc pour passer de deux à environ quatre mois
alors qu’un délai d’un mois est le maximum admissible.

Cette situation conduit à des aberrations. Les nouveaux patients, après
avoir déjà attendu neuf mois – délai moyen pour accéder à un premier bilan
du fait des listes d’attente dans le service public comme chez les
indépendants – devront attendre encore quelques quatre mois
supplémentaires la décision d’octroi du SPS pour entamer une thérapie. Les
patients en cours de traitement, pour lesquels un bilan intermédiaire est
nécessaire, devront interrompre leur thérapie pendant toute cette période dans
l’attente d’une décision du SPS. Enfin, un risque économique pèse sur les
logopédistes qui doivent désormais attendre quatre mois pour savoir si leurs
soins seront pris en charge par le SPS.

Si, en raison du moratoire, la situation est réglée jusqu’à la fin de cette
année, l’incertitude, qui préoccupe également les parents, les pédiatres et les
partenaires du réseau, demeure pour 2022. A réitérées reprises, les
associations professionnelles ont pourtant alerté par écrit le département de
ses conséquences désastreuses sur la prise en charge thérapeutique et lui ont
demandé de se prononcer sur la situation à partir du 1er janvier 2022. A ce
jour, aucune réponse précise n’a été apportée. Il leur a même été refusé
d’inscrire ce point à l’ordre du jour d’une rencontre organisée par le DIP et le
DSES le 19 octobre dernier portant précisément sur la logopédie.

Je remercie le Conseil d’Etat de bien vouloir répondre aux questions
suivantes :

  • Quelles sont les raisons de la prolongation de la durée des délais
    d’octroi par le SPS sur les bilans des logopédistes qui est passée de deux
    à quatre mois environ depuis l’entrée en vigueur du RPSpéc en juin
    dernier ?
  • Le SPS est-il suffisamment doté en personnel pour réaliser ses missions,
    en particulier pour formuler ses décisions sur les bilans ? Combien
    d’ETP sont-ils consacrés à cette mission ? Une évolution du nombre
    d’ETP a-t-elle eu lieu depuis le 1er janvier 2021 ? Et depuis l’entrée en
    vigueur du RPSpéc ? Le département a-t-il prévu d’augmenter d’ici le
    31 décembre 2021, soit d’ici la levée du moratoire, le nombre d’ETP
    affectés à cette tâche ? Qu’en sera-t-il à partir du 1er janvier 2022 ?
  • Quelles mesures le département a-t-il l’intention de mettre en oeuvre
    pour résorber ce délai d’attente sur les décisions d’octroi des prestations
    de logopédie ? Sera-t-il résorbé à partir du 1er janvier 2022 ? Quel délai
    maximum estime-t-il acceptable sachant qu’il est d’un mois dans
    d’autres cantons romands ?
  • Le département a-t-il l’intention de prolonger le moratoire sur la
    rétroactivité des décisions d’octroi au-delà du 31 décembre 2021 ? A-t-il
    l’intention de modifier le RPSpéc pour autoriser à nouveau la
    rétroactivité des décisions pour les prestations de logopédie à partir du
    1er janvier 2022, en particulier dans le cas où le département ne
    pourrait rendre des décisions dans des délais non préjudiciables à
    l’intérêt de l’enfant ?

Réponse du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de répondre en partie à la question
des traitements logopédiques pour les mineurs dans sa réponse à la question
écrite urgente 1604 (QUE 1604-A).

  • Quelles sont les raisons de la prolongation de la durée des délais d’octroi
    par le SPS sur les bilans des logopédistes qui est passée de deux à quatre
    mois environ depuis l’entrée en vigueur du RPSpéc en juin dernier ?

Le service de la pédagogie spécialisée (SPS) est confronté à une forte
augmentation des dossiers depuis la rentrée scolaire, en particulier dans le
domaine de la logopédie, ce qui a un fort impact sur l’allongement des délais
de réponse. Du 1er janvier au 18 novembre 2021, 773 dossiers supplémentaires
ont été reçus par le service par rapport à la même période en 2020. Cette
situation est probablement en lien avec un contexte de forte hausse des
troubles, notamment les troubles du langage, que le département de
l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) constate depuis
quelque temps, et dont il a fait part à la commission de l’enseignement, de
l’éducation, de la culture et du sport en date du 21 octobre 2021.

S’agissant du traitement des dossiers, en date du 18 novembre 2021, au sein
de l’unité administrative, environ 500 courriers étaient en cours de traitement,
dont 343 concernaient la logopédie. Au sein de l’unité clinique, 441 dossiers
étaient à traiter, toutes demandes confondues, dont 389 touchant la question
des traitements logopédiques. En outre, du 1er janvier au 18 novembre 2021, le
SPS a rendu 7 963 décisions, dont 4 153 de logopédie.

  • Le SPS est-il suffisamment doté en personnel pour réaliser ses missions,
    en particulier pour formuler ses décisions sur les bilans ? Combien
    d’ETP sont-ils consacrés à cette mission ? Une évolution du nombre
    d’ETP a-t-elle eu lieu depuis le 1er janvier 2021 ? Et depuis l’entrée en
    vigueur du RPSpéc ? Le département a-t-il prévu d’augmenter d’ici le 31
    décembre 2021, soit d’ici la levée du moratoire, le nombre d’ETP affectés
    à cette tâche ? Qu’en sera- t-il à partir du 1er janvier 2022 ?

Face à la forte augmentation des demandes, le SPS mène actuellement une
réflexion pour gagner en efficience sur le traitement administratif des dossiers.
Cela étant, considérant le volume actuel de dossiers en cours de traitement, des
mesures intermédiaires, relevant de l’organisation interne, ont été mises en
place dans la perspective d’écrêter les demandes en attente au premier trimestre
2022.

  • Quelles mesures le département a-t-il l’intention de mettre en oeuvre pour
    résorber ce délai d’attente sur les décisions d’octroi des prestations de
    logopédie ? Sera-t-il résorbé à partir du 1er janvier 2022 ? Quel délai
    maximum estime-t-il acceptable sachant qu’il est d’un mois dans
    d’autres cantons romands ?

Le DIP soutient les réflexions et travaux menés par le SPS pour résorber
les délais d’attente, avec pour objectif à terme de rendre des décisions dans les
30 jours à compter de la réception de la demande.

  • Le département a-t-il l’intention de prolonger le moratoire sur la
    rétroactivité des décisions d’octroi au-delà du 31 décembre 2021 ? A-t-il
    l’intention de modifier le RPSpéc pour autoriser à nouveau la
    rétroactivité des décisions pour les prestations de logopédie à partir du
    1er janvier 2022, en particulier dans le cas où le département ne pourrait
    rendre des décisions dans des délais non préjudiciables à l’intérêt de
    l’enfant ?

La mise en oeuvre de certaines dispositions du nouveau règlement sur la
pédagogie spécialisée, du 23 juin 2021 (RPSpéc; rs/GE C 1 12.05), a en effet
été repoussée à la fin de l’année 2021, afin de laisser le temps nécessaire à
l’évolution de certaines pratiques des professionnels impliqués. Toutefois, cela
ne concernait pas spécifiquement la question de la rétroactivité des décisions
du SPS.

En effet, sur ce point en particulier, comme le SPS a déjà eu l’occasion de
le communiquer à plusieurs reprises depuis la rentrée, il n’est pas question de
s’orienter vers une pratique qui soit préjudiciable à l’enfant concerné, en raison
des difficultés de l’administration à rendre une décision dans un délai
raisonnable. Dans ce cadre, si le principe du droit administratif veut qu’une
décision précède la mise en oeuvre d’une prestation – comme le mentionne
l’article 24, alinéa 2 RPSpéc –, la rétroactivité reste admise dès lors qu’elle vise
l’intérêt de l’enfant. Il n’y a donc pas lieu de modifier la base réglementaire.