La première séance a été l’occasion de rendre hommage à Alessandra Oriolo, députée verte qui a choisi de quitter le Grand Conseil pour voler vers d’autres projets. Pierre Eckert est intervenu avec un texte touchant relevant la perspicacité, la sensibilité et l’engagement sans limite d’Alessandra pour les questions de justice sociale et environnementale. Alessandra a notamment rédigé et défendu au Parlement fédéral la résolution « Pour la prise en charge des frais médicaux lors de grossesses interrompues avant la 13ème semaine ». Cette résolution a été acceptée par les chambres fédérales ! Sa bienveillance, sa lumière et son intelligence vont cruellement manquer à notre députation. Nous lui souhaitons le meilleur pour ses projets à venir et jalousons d’avance celles et ceux qui auront la chance de sa présence.

Qui dit départ, dit arrivée et le caucus se réjouit d’accueillir Marta Macchiavelli comme députée titulaire, déjà très engagée dans sa fonction de députée suppléante. Nous souhaitons la bienvenue à Corinne Müller Sontag qui rejoint le caucus en tant que députée suppléante.

Au milieu des nombreuses élections qui ont eu lieu lors de cette première séance, notons encore la belle élection de M. Pierre Bayenet à la fonction de procureur !

Lors du traitement de l’ordre du jour ordinaire, le jeudi soir, le Parlement s’est prononcé en faveur du projet de loi PL 12605 A « Pour que la nuit soit belle 365 jours par an ». Pierre Eckert s’est exprimé sur ce projet de loi relevant qu’il nous permet de nous débarrasser de deux types de sources lumineuses inutiles : l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels et l’enclenchement nocturne des enseignes lumineuses extérieures. Ces économies d’énergie auront en plus l’avantage de préserver un peu la biodiversité nocturne. Ce projet de loi est équilibré, les pharmacies de garde, les décorations de Noël, les hôtels et les lieux touristiques de la rade pourront rester allumés ainsi que l’éclairage public qui n’est pas concerné par la mesure.

Lors du traitement des extraits le vendredi, et après quelques extraits traités au pas de charge par notre Président (et heureusement car l’ordre du jour est long !), le Parlement s’est prononcé sur la M 2741 A « L’Allondon à nouveau en danger, non à un centre commercial dépassé ! ». Marjorie de Chastonay a relevé l’importance de la pression politique et sociale contre le centre commercial OPEN, prévu à 3km de Meyrin, pour un total de 14 hectares de parking, de surfaces commerciales et de surconsommation. Si les impacts de ce projet sur l’Allondon ne sont pas avérés, il n’en reste pas moins que ce projet aura des impacts sur l’environnement, la mobilité, le commerce local et la région dans son ensemble.

« Le centre commercial OPEN est prévu en pleine nature, sans aucuns transports publics, annonçant 9’000 à 12’000 véhicules par jour, dont 90% en provenance de la Suisse. » Marjorie de Chastonay

Ce modèle de consommation et de tourisme d’achat est totalement dépassé à l’heure de l’urgence climatique. Le Conseiller d’Etat, Antonio Hodgers, a rappelé que cette région détient la plus haute densité de centres commerciaux de France !  Même le président français Emmanuel Macron, peu connu pour ses efforts en vue d’un monde plus durable, a demandé un moratoire sur les centres commerciaux tant ce modèle est dépassé. Même si une grande partie des autorités françaises locales s’est prononcée en défaveur de ce projet de centre commercial, la centralisation du pouvoir français a permis son autorisation de construire. L’étude d’impact a relevé que les impacts sur l’eau ne concernaient pas la Suisse. Malgré le bras de fer mené par le Conseil d’Etat, il n’a plus qualité d’agir en vertu des principes de souveraineté. La motion a été renvoyé au Conseil d’Etat pour qu’il continue les discussions avec les autorités françaises.

Le traitement des urgences a commencé le jeudi soir. Le Parlement s’est heureusement positionné en faveur du PL 12845 A à l’issue du troisième débat, qui vise à octroyer une aide financière supplémentaire à l’association AVVEC (Aide aux Victimes de Violence en Couple). Le PLR a œuvré à son habitude tantôt pour renvoyer le PL en commission pour l’enterrer tantôt pour diminuer le montant du contrat de prestation. Dilara Bayrak a défendu ce projet pour que l’aide financière ne soit pas diminuée et que les bénéficiaires ne soient pas réduit-e-s à souffrir seul-e-s et en silence.

Le Grand Conseil a accepté le PL 12989 A relatif à l’aide complémentaire RHT COVID. Pierre Eckert a rappelé à quel point ce texte était nécessaire pour soutenir les travailleur-euse-s au revenu modeste pour les aider à faire face aux conséquences de la crise sanitaire. En effet, avec une réduction de 20% du salaire, ces personnes en RHT se retrouvent souvent en-dessous du seuil fixé pour le salaire minimal. Ce projet de loi permet de compenser le salaire à hauteur du salaire minimal. La Conseillère d’Etat, Fabienne Fischer, a justement rappelé que si le salaire était descendu à 80%, les charges (loyer, assurance-maladie, etc) sont restées à 100%. Il faut à tout prix éviter que toutes ces personnes ne se retrouvent à l’aide sociale ou à l’aide alimentaire et ne risquent la spirale de l’endettement.

 Le traitement des urgences a continué le vendredi. Toute la séance a été consacrée au PL 12974 A sur la réforme du cycle d’orientation (CO22).

Le cycle d’orientation actuel ne fonctionne pas. Le système favorise les inégalités sociales et une forte discrimination : les regroupements d’élèves selon leur niveau n’est prompt qu’à fait croire aux élèves ayant des facilités dans certaines branches dites académiques qu’ils sont l’élite et à ceux dont les facultés ne sont pas reconnues sur le sacro-saint autel de l’académisme qu’ils sont moins bons, alimentant une mauvaise image d’eux-mêmes. Après deux ans de travaux sur cette réforme avec les acteur-trice-s concerné-e-s, le nouveau CO22 prévoit la mise en place d’un système mixte, dans lequel les élèves sont dans des classes mixtes regroupant différents niveaux. La dernière année permet d’orienter les élèves en fonction de leur résultats et envies via deux sections : une section maturité et une section certificat. Le groupe des Vert-e-s a émis deux inquiétudes par rapport à cette réforme. D’une part, un parcours accéléré pour des élèves ayant des facilités qui leur permettrait de faire le CO en deux ans. Katia Leonelli a expliqué que cette nouvelle possibilité risque d’instaurer une nouvelle norme : actuellement les élèves qui sautent une année au cycle sont des cas isolés. La réforme prévoit 10 à 25 élèves par cycle. À la clé : une pression supplémentaire pour ces élèves et un risque de discrimination. Quels sont les avantages de la mixité si les élèves ayant des facilités sont retirés du système ?

La seconde inquiétude concerne la formation professionnelle. Celle-ci demeure le parent pauvre de la réforme. Les élèves des niveaux inférieurs sont jugés comme « moins bons » et orientés vers les filières professionnelles comme si celles-ci n’étaient que des voies de seconde zone, bonnes qu’à absorber le surplus dont la voie académique ne voudrait pas. Il manque donc encore une réflexion sur une meilleure orientation des élèves en fonction de leurs envies et non d’une supposée supériorité de la voie gymnasiale et sur la valorisation de la voie professionnelle et des emplois qui en découlent.

Vexé d’avoir perdu sur la recatégorisation du débat en catégorie II (120 minutes) à la place du débat libre (sans limitation de parole), le PLR a tout mis en œuvre pour faire obstruction au débat. Applaudissements, hurlements, menaces, ils et elles sont allé-e-s jusqu’à insulter le président du Grand Conseil. Ce comportement est puéril et indigne de nos institutions. Je le condamne ici fortement et espère des sanctions contre les personnes concernées.

Après une heure de tumulte, les débats ont pu commencer. Mais à nouveau, le PLR et l’UDC ont tout fait pour rallonger le débat et ne pas arriver à une conclusion, en multipliant les amendements, les motions d’ordre (une dizaine), les demandes de renvoi en commission (une quinzaine) et les prises de parole inutiles et hors propos. À 20h, heure normale de fin de session, et à cause des demandes de renvoi en commission, le premier débat n’était pas encore parvenu à son terme.

Le fond de la réforme a donc été coulé par les mesures dilatoires du combo PLR-UDC. Nous avons franchi le cap de la prise d’otage par des personnes qui se sont ensuite insurger de la situation qu’elles avaient elles-mêmes causée. Le spectacle que nous avons offert ce soir-là de la démocratie est à mi-chemin entre minable et scandaleux entre les nombreuses levées de séances, les attaques personnelles, les menaces, les insultes et les avertissements.

La dernière levée de séance pour une séance du bureau a permis d’apaiser les tensions et de faire reprendre leurs esprits à certain-e-s. À 21h, nous votions enfin l’entrée en matière du PL. La majorité du Grand Conseil a refusé les amendements PLR mais accepté l’amendement du PDC. Le projet de loi sur CO22 a ensuite enfin pu être accepté. Les autres urgences n’ont évidemment pas pu être traitées.

Cette journée de plénière s’est révélée éprouvante. La conclusion – heureuse malgré tout – est que l’obstruction de démocratie ne mène à rien. Et ce n’est pas celui ou celle qui hurle le plus fort qui gagne à la fin.

Par Sophie Desbiolles, députée