Marjorie de Chastonay

Question urgente écrite déposée par Marjorie de Chastonay en mai 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1548 A

Exposé de la question:

La Suisse est un pays riche avec un des meilleurs systèmes de santé du
monde. Pourtant, les difficultés d’approvisionnement se font de plus en sentir
malgré des mesures prévues par la Confédération.

Ces difficultés d’approvisionnement concernent surtout les médicaments
anticancéreux, les médicaments bon marché soumis à ordonnance dont le
brevet a expiré, ainsi que les médicaments vendus en faible quantité et les
vaccins.

L’impact négatif sur la qualité du traitement représente un risque pour les
patients, par exemple par l’abandon ou le début tardif des traitements. Il
existe de nombreux génériques sur le marché européen, mais pas en Suisse.
Quand un producteur cesse la fabrication d’un médicament pour des raisons
économiques, en pharmacie, les alternatives existantes sur le marché
européen ne sont souvent pas proposées au patient et seul le médecin
prescripteur, à condition de connaître ces alternatives, peut les faire
commander. Certains traitements n’existent pas en Suisse et ne sont pas
obligatoirement pris en charge par LAMal.

Dans certains cantons, la tendance à autoriser l’exploitation de
pharmacies n’ayant pas de capacités de production accentue les pénuries. La
Confédération recommande donc de soutenir la création d’infrastructures
pour la production d’après une formule dans les pharmacies d’hôpital et les
officines. Force est de constater que les pharmacies travaillent de plus en plus
sur un principe de gros vendeur avec peu de pharmaciens sur place, et les
employés n’ont pas les connaissances ni les moyens de préparer des formules
de médicaments. Ceci pousse même certains employés à abandonner leur
métier, qui est réduit à la fonction de vendeur.

Une autre mesure proposée par la Confédération consiste à obliger les
producteurs, les grossistes, les cantons, les hôpitaux, les pharmacies et les
médecins dispensant à procéder à un stockage minimal. Or, dans le canton de
Genève, les médecins indépendants, qui sont le plus à même de savoir quels
médicaments sont souvent en rupture de stock, n’ont pas le droit de vendre
des médicaments, ce qui pénalise encore plus les patients genevois.

Ma question est donc la suivante :

Est-ce que le département de la sécurité, de la population et de la santé
(DSPS) est au courant de ces problèmes et comment compte-t-il y
remédier ?

Réponse du Conseil d’Etat

Le marché du médicament est fortement régulé, mais néanmoins libre et
compétitif. La rupture d’approvisionnement peut résulter du choix stratégique
de la firme pharmaceutique (arrêt de production), de l’augmentation de la
demande non anticipée (pandémie de COVID-19), de l’arrêt imprévisible
d’une entreprise (explosion en 2016, en Chine, d’une usine chargée de la
production mondiale d’un antibiotique pipéracilline/tazobactam), ou d’une
rupture de fabrication d’un principe actif dans un contexte où la majorité sont
importés d’Inde ou de Chine (dimension géopolitique des pénuries). Force est
de constater que les antibiotiques, anesthésiques, corticoïdes, anticancéreux et
vaccins sont fréquemment en rupture d’approvisionnement. En fonction de la
durée de cette dernière ou de la criticité du médicament, les actions suivantes
peuvent être engagées :

  1. dans de nombreuses situations il existe une alternative commercialisée en
    Suisse (autres prestataires et/ou fabricants, taille d’emballage, dosage,
    volume, forme galénique). Ces ruptures génèrent un important travail
    administratif et d’information auprès du patient;
  2. sur la base de l’article 102 de la Constitution fédérale de la Confédération
    suisse, du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101), l’Office fédéral pour
    l’approvisionnement économique du pays (OFAE) impose aux grossistes
    et aux fabricants de constituer des réserves obligatoires pour pallier les
    ruptures de médicaments. Lorsque la rupture se prolonge et que le
    médicament est critique, ces réserves sont mobilisées;
  3. en outre, l’article 49, alinéa 1, de l’ordonnance fédérale sur les
    autorisations dans le domaine des médicaments, du 14 novembre 2018
    (OAMéd; RS 812.212.1), autorise les professionnels de la santé visés à
    l’article 25, alinéa 1, de la loi fédérale sur les médicaments et les
    dispositifs médicaux, du 15 décembre 2000, (LPTh; RS 812.21), à
    importer des médicaments en petite quantité pour autant qu’aucun
    médicament de substitution autorisé ne soit disponible en Suisse.

Pour remédier aux ruptures de médicaments, le service de la pharmacienne
cantonale exerce la surveillance du marché du médicament, renseigne l’OFAE
sur l’état des stocks stratégiques et peut mettre en place, quand cela s’avère
nécessaire, une directive pour limiter la délivrance de certains médicaments
(par exemple pour le Plaquenil® durant la pandémie de COVID-19).
Spécialistes du médicament – en lien au quotidien avec les grossistes, les
fabricants et l’OFAE – ce sont bien les pharmaciens officinaux, hospitaliers et
cantonaux qui sont la cheville ouvrière de la gestion des ruptures. L’article 114
de la loi sur la santé, du 7 avril 2006 (LS; rs/GE K 1 03), interdit la
propharmacie dans le canton de Genève, sous réserve d’un projet de loi du
Conseil d’Etat qui se propose justement de mieux encadrer les exceptions. Quoi
qu’il en soit, la propharmacie ne résoudrait en rien la problématique des
ruptures de stock, elle aurait même tendance à accentuer le phénomène en
multipliant divers petits stocks au niveau cantonal ne permettant pas leur
recensement, avec pour conséquence une inégalité de traitement pour les
patients dont le médecin n’aurait pas anticipé la pénurie.