David Martin

Question urgente écrite déposée par David Martin en février 2021

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1493 A

Exposé de la question:

Différents articles parus dans la presse, ces derniers mois, ont fait état
d’une baisse de la demande sur le marché suisse de l’immobilier de bureaux,
augmentant les surfaces disponibles. Les mesures sanitaires ont accéléré des
tendances déjà observées avant la crise et le problème des surfaces de
bureaux vides va tendre à s’accentuer à l’avenir.

Avant la crise, cela représentait déjà plus de 230 000 m2 de surfaces
inoccupées sur le marché. En juillet 2020, ce sont 18% des bureaux vides du
pays qui se situaient sur le territoire cantonal. Il n’y a jamais eu autant de
surfaces commerciales vides (notamment des bureaux) et la tendance ne fait
que se renforcer : les autorisations de construire délivrées récemment vont
sensiblement augmenter l’offre alors que l’augmentation du télétravail et la
conjoncture économique incertaine vont probablement réduire, de manière
durable, la demande en bureaux.

En parallèle, nous observons une précarisation galopante d’une part
importante de la population. Ces dernières années, la problématique du
sans-abrisme est régulièrement revenue dans l’actualité. Différentes
associations et collectivités publiques se mobilisent pour trouver, tant bien
que mal, des solutions. Disposer d’un toit est une condition préalable à la
mise en place d’un travail socio-sanitaire de proximité qui aurait comme
objectif la réinsertion sociale.

S’il n’existe pas de chiffres officiels concernant le sans-abrisme, les
milieux associatifs luttant contre ce phénomène estimaient (avant la crise)
qu’entre 400 et 1000 personnes étaient concernées. Or, une partie des
structures allouées pour accueillir des personnes sans abri sont des structures
d’urgence particulièrement inadaptées pour répondre aux besoins, notamment
concernant le travail de réinsertion. Aujourd’hui, avec la crise, les besoins en
logements temporaires sont tout simplement criants !

Le 9 février dernier, le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz chargé du
département de la cohésion sociale détaillait son plan cantonal contre la
précarité. Celui-ci, fort de sept objectifs, vise notamment à « offrir des
conditions de logement dignes à chacun : volet qui comprend, entre autres, un
projet de loi sur le “sans-abrisme” actuellement en consultation à
l’Association des communes genevoises ».

La problématique de la reconversion de bureaux en logements est
complexe et mérite d’être analysée en profondeur pour mettre en évidence les
potentiels à court ou moyen terme. En attendant, si l’on peut admettre qu’il
n’est pas forcément simple pour les propriétaires de bureaux vides de se
lancer dans une reconversion complète vers du logement, notamment en
raison de son caractère quasi définitif, la reconversion temporaire offre un
potentiel qu’il s’agit d’exploiter sans attendre.

En s’inspirant des initiatives développées par « Unity Cube », le Groupe
de Travail Logement des Vert.e.s a développé un projet qui permettrait de
monter des modules d’habitation dans des surfaces commerciales inoccupées.
Un tel projet, porté par une association, offrirait la possibilité d’utiliser les
surfaces de bureaux inoccupées pour donner un toit et un espace à soi aux
personnes sans abri. La réversibilité, l’adaptabilité, la durabilité et les coûts
relativement modestes faciliteraient la mise en place d’un projet-pilote
soutenu par l’Etat et les milieux immobiliers.

Vu ce qui précède, mes questions au Conseil d’Etat, que je remercie
d’avance pour ses réponses, sont les suivantes :

  • Quelle est la surface actuelle des bureaux vides dans le canton de
    Genève ?
  • Quelles sont les perspectives de reconversion en logement à court ou
    moyen terme ?
  • Quels sont les leviers dont l’Etat dispose pour favoriser cette
    reconversion ?
  • Est-ce possible d’utiliser les bureaux vides pour l’accueil provisoire de
    sans-abri ? Dans quelle proportion ?
  • De quelle façon l’Etat pourrait-il soutenir ce type de démarche ? Le cas
    échéant, quels types d’appui peuvent être attendus du DCS,
    respectivement du DT ?

Réponse du Conseil d’Etat

Le logement constitue un bien essentiel pour l’ensemble de la population.
Il est un facteur fondamental de cohésion sociale, garante de sécurité et de
stabilité. S’assurer que toute personne en quête d’un logement puisse trouver,
pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions
favorables constitue l’un des objectifs principaux de la politique sociale du
logement dans notre canton, garanti par la constitution de la République et
canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE; rs/GE A 2 00).

Le Conseil d’Etat est non seulement conscient que la question du sansabrisme
constitue une priorité sociétale, mais il agit depuis de nombreuses
années pour la contrer, comme en témoigne l’élaboration d’un projet de loi sur
l’aide aux personnes sans-abri qui a été accepté unanimement par l’Association
des communes genevoises (ACG). Cette nouvelle base légale, qui fait défaut à
ce jour, doit permettre de sécuriser les prestations destinées à ce public très
précarisé et de clarifier la répartition des compétences entre les communes et
le canton en la matière. Ce n’est que par des approches complémentaires et
coordonnées que des résultats concrets peuvent être obtenus.

Le plan d’action cantonal contre la précarité « Cohésion sociale 2030 »
reconnaît expressément que si la construction de nouveaux logements est
indispensable pour lutter contre la pénurie de logements et le mal-logement, la
dimension sociale du logement doit également être pensée en termes de lutte
contre la précarité. Il affirme la nécessité d’apporter un accompagnement social
indispensable dans le cadre des situations de sans-abrisme et propose
d’élaborer un concept interinstitutionnel d’hébergement d’urgence et de
logement social pour les personnes en situation de mal-logement ou de sansabrisme,
basé sur un accompagnement social en amont et en aval.

Les personnes en situation de sans-abrisme ayant déposé une demande de
logement auprès du Secrétariat des fondations immobilières de droit public
bénéficient de la priorisation la plus importante, de manière à ce qu’une
proposition de logement puisse leur être faite le plus rapidement possible.

En outre, lorsque les personnes sans-abri sont éligibles à des prestations
sociales individuelles du canton telles que l’aide sociale, l’Hospice général peut
accompagner ces dernières dans la recherche de solutions de logement
provisoires ou pérennes alternatives.

Aussi, en complément des travaux législatifs en la matière et des mesures
qu’il a déjà prises pour lutter contre le sans-abrisme, notamment dans le cadre
de la crise sanitaire, à l’instar de la loi 12821 adoptée par le Grand Conseil), le
Conseil d’Etat se réjouit de toute proposition ou nouvelle approche tendant à
répondre, même partiellement, à la question du sans-abrisme. Un projet
permettant de monter des modules d’habitation provisoires, facilement
réversibles et adaptables pourrait constituer une approche intéressante et
innovante.

Sur la base des derniers chiffres utiles communiqués par l’office cantonal
de la statistique (OCSTAT), il y avait, au 1er juin 2019, environ 255 00 m2 de
surfaces brutes de plancher (SBP) vacantes concernant des activités tertiaires,
soit les bureaux et les arcades commerciales. Ces surfaces ne sont pas toutes
susceptibles d’une reconversion en logements, même à titre provisoire. En
effet, il convient de soustraire au total énoncé ci-dessus les surfaces
commerciales impropres à l’habitation, notamment en raison de leur
incompatibilité au regard des normes en lien avec la protection contre les
accidents majeurs. Après une analyse rapide, il appert que seul un tiers de ces
SBP pourraient éventuellement permettre d’accueillir du logement.

Le fait de réaliser des modules d’habitation dans des locaux destinés à des
activités tertiaires constitue un changement d’affectation. Dès lors, le projet
doit faire l’objet d’une autorisation de construire, qu’il soit réalisé de manière
pérenne ou provisoire.

Le département du territoire est disposé à répondre prioritairement aux
demandes qui seraient déposées dans ce cadre. Par ailleurs, lors d’une
éventuelle pesée des intérêts qui devrait être opérée entre différentes politiques
publiques, il veillera à favoriser autant que faire se peut la création de structures
provisoires en faveur des plus démunis.

Ces structures devront cependant répondre aux normes de salubrité et de
sécurité, notamment aux normes incendie, dès lors que celles-ci visent à
protéger l’intégrité, voire la vie, des futurs occupants.

Si l’Etat ne dispose actuellement pas de leviers visant à contraindre les
propriétaires de locaux administratifs ou commerciaux à entamer de telles
démarches, il encourage vivement les associations concernées à avancer dans
la proposition de projets concrets, voire pilotes, en lien avec les propriétaires
de ces surfaces.