Par Valentin Dujoux, conseiller municipal et membre du bureau des Vert.e.s genevois.e.s. Ce texte est paru dans son blog de la Tribune de Genève le 23 mars 2021. 

Centre commercial XXL, autoroute de 16,5 kilomètres, centrale nucléaire d’un demi-siècle … Notre région doit faire face à différentes décisions décevantes du côté français. De ces dossiers à contre-courant, parlons-en.

Ils sont présentés comme des projets innovants, responsables et même durables! Pourtant, à n’en pas douter, c’est davantage des années 70 que semblent sortir ces trois projets. Alors que les effets des crises écologique, économique et sociale se font sentir, il convient de s’interroger sur la direction empruntée.

Trois projets à contre-courant

OPEN, c’est son nom. Situé à Saint-Genis-Pouilly, dans le pays de Gex, ce projet de centre commercial et de loisirs démesuré s’étalerait sur 50’000 mètres carrés de zones agricoles et son parking accueillerait, à lui seul, 2’000 voitures. 

Dans le département de l’Ain toujours, à 80 kilomètres de Genève, c’est la centrale nucléaire du Bugey, mise en service en 1972, qui vient de gagner 10 ans de vie supplémentaire à ses 50 ans initialement prévus. Et ce, suite à une simple décision de l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN). Sans concertation ni discussion, cette centrale d’un demi-siècle, maintes fois critiquée, laisse ainsi planer sa menace bien au-delà de ses frontières.  

En Haute-Savoie enfin, c’est un projet d’autoroute entre Machilly et Thonon qui se concrétise chaque jour un peu plus. En parallèle du Léman Express, qui retrouvera une vitesse de croisière correcte le 5 avril prochain, cette allée bétonnée pourrait, à terme, voir circuler quotidiennement 10’000 à 15’000 véhicules. Avec autant de nuisances et de pollutions avant, pendant, et après son inauguration.

Menaces sur notre bassin de vie

Tous ces projets répondent à des besoins importants: se nourrir, se chauffer et se déplacer. Soit. Et le débat ne tient pas sur ces nécessités à combler, mais sur les orientations qui sont données pour les réaliser. Certain-e-s parleront d’ingérence dans des dossiers français, je propose plutôt une réflexion sur des projets majeurs de notre espace transfrontalier, tout en reconnaissant la souveraineté de chaque région.

Notre eau, notre air et notre terre sont des bien précieux et fragiles. La crise climatique à laquelle nous faisons toutes et tous face en est le meilleur exemple. Souillés, ces différents milieux deviennent hostiles à toute biodiversité et à de multiples activités, y compris humaines.

Or, ces trois projets ont un point commun: situés sur le territoire français, ils ont tous un impact considérablement néfaste sur les nappes phréatiques, l’air et les terres que nous partageons. Allondon potentiellement asséché, engorgement des routes périphériques, mobilité douce torpillée, terres agricoles sacrifiées … Pas encore réalisés, ces projets provoquent des risques d’ores et déjà connus, mais qu’une minorité ne souhaite pas évoquer et ce, sous couvert de souveraineté, voire de modernité.

Des pièges qu’il nous faut refuser

Alors que les centres-villes ont du mal à conserver leur attractivité avec le départ de leurs petits commerces, alors que nous commémorons les 10 ans d’un accident nucléaire et alors que des moyens importants sont mis pour développer la mobilité douce, comment peut-on justifier ces trois projets? 

Fruits d’intérêts privés, ils se font au détriment de la majorité de la population, ne répondent pas aux attentes d’une région ni aux défis d’une génération. Car en 2021, les besoins sont ailleurs: soutenir nos artisans, concrétiser une transition énergétique et fortifier une mobilité durable.

Les avantages de ces projets n’existent pas sur le long terme. Pire, il s’agira de trouver des solutions pour limiter au maximum les nuisances que notre région subira durant de nombreuses décennies si ils aboutissent.

Le bassin genevois et ses projets français, oui, parlons-en. Car nous sommes à un tournant et ces projets, s’ils ne sont pas vivement combattus, agiront comme de puissants freins au développement de notre bassin de vie. Pire, ils participeront à la dégradation marquée de la qualité de vie dans notre région partagée.