Motion déposée par Esther Schaufelberger en février 2021

Texte complet: M 2731

Exposé des motifs:

La situation climatique et environnementale dramatique a poussé le
canton de Genève à déclarer l’urgence climatique, en 2019. Ainsi, il s’est fixé
à l’horizon 2030 un objectif de réduction de ses émissions de gaz à effet de
serre de moins 60% par rapport à 1990 et la neutralité carbone pour 2050.
A travers différents documents-cadres, le canton a pu détailler les mesures
qu’il envisageait de prendre afin d’assurer la transition énergétique, de
préserver la biodiversité et de respecter ses engagements climatiques. Les
mesures à prendre sont nombreuses et les délais de mise en œuvre sont
extrêmement courts.

Si on peut aisément imaginer que des secteurs tels que celui de l’énergie,
du transport ou de l’agriculture soient parmi les principaux secteurs
concernés, la nécessité de transformation et d’adaptation aura un impact sur
l’ensemble du tissu économique. Des professions a priori moins concernées
par la transition climatique devront également adapter leurs pratiques, leurs
savoirs et leur savoir-faire face aux exigences de réduction des émissions
carbone. Ainsi, de nouveaux métiers vont émerger et des métiers existants
devront être adaptés.

La transition écologique requiert donc des capacités professionnelles
nouvelles et l’adaptation des capacités existantes. Certains emplois
nécessiteront des capacités techniques pointues, d’autres un savoir-faire
pratique. Les effets et les besoins se feront sentir autant sur des emplois très
qualifiés que sur des emplois peu qualifiés.

La transition écologique : une opportunité à saisir

La pandémie a accéléré les mutations de certains secteurs économiques
importants pour Genève (tourisme, congrès). Ceci engendre et va engendrer une accélération de la perte d’emplois au sein de ceux-ci. Il est difficilement
imaginable que ces secteurs retrouvent leur niveau d’activité pré-pandémie,
au vu des changements d’habitudes engendrés et en vertu des objectifs
climatiques. Ces changements s’ajoutent à d’autres mutations structurelles
profondes du marché du travail, liées notamment à la numérisation,
l’automatisation, les nouveaux modes de consommation (en ligne) et la
délocalisation des emplois du secteur tertiaire. Selon un rapport du Conseil
fédéral publié en novembre 2017, quelque 11% des emplois pourraient
disparaître à un horizon de 20 à 30 ans sous l’effet de la numérisation.

Il s’agit donc de rapidement se projeter pour proposer des alternatives, en
termes d’emplois. Or, les activités générées par la transition écologique sont,
en revanche, créatrices nettes d’emplois. Globalement, la réduction des
places de travail dans des secteurs néfastes pour le climat et la biodiversité
peut être plus que compensée par de nouveaux emplois et de nouvelles
activités. Il est, néanmoins, nécessaire d’accompagner ces changements et
d’anticiper les besoins futurs.

Dans un rapport phare publié à Genève en 2018, l’Organisation
internationale du travail (OIT) a estimé que 24 millions d’emplois pourraient
être créés à l’échelle mondiale d’ici à 2030, si l’on met en place des
politiques permettant de promouvoir une économie plus respectueuse de
l’environnement, contre 6 millions d’emplois qui disparaîtront lors de cette
transition. Les expert-e-s estiment à 2 millions le potentiel de création de ces
emplois verts en Europe.

Le défi pour Genève est de faire en sorte que ces emplois soient créés
localement, que les Genevoises et Genevois aient accès aux formations et
requalifications nécessaires et, in fine, qu’il-elle-s aient les capacités de
profiter de ces nouvelles opportunités sur le marché du travail.

Pénurie de personnel, « cleantech » et formations professionnelles

En Suisse, les domaines liés à la transition écologique souffrent d’un
manque en personnel. Une étude quantitative, publiée en 2020 par
l’économiste Michael Lobsinger, a démontré qu’entre 2012 et 2017 les
emplois liés à la transition écologique ont augmenté plus que les autres emplois. Lobsinger constate une pénurie de personnel dans certains de ces
domaines avec, pour corollaire, une immigration professionnelle depuis l’UE
(notamment issue de France et d’Allemagne) comparativement supérieure
aux autres domaines d’activité. L’étude conclut sur le besoin de redoubler les
efforts en matière de formation et de requalification pour que la demande de
travailleur.euse.s qualifié.e.s dans l’économie circulaire, durable et basée sur
les énergies renouvelables puisse être satisfaite.

Le Conseil fédéral a donné une première impulsion visant à accélérer
l’intégration des nouvelles exigences liées à la transition écologique dans des
formations AFC et CFC. Publiée en 2013 pour intégrer les thématiques liées
à la transition écologique dans les processus de formation professionnelle,
une fiche d’information « cleantech » a été élaborée pour chaque corps de
métier faisant l’objet d’une ordonnance sur la formation professionnelle
initiale.

Malheureusement, la Confédération n’a pas évalué ni suivi le processus
de mise en œuvre de cette initiative. Il n’existe donc pas de vue d’ensemble
de l’état d’intégration dans les formations professionnelles des savoirs et du
savoir-faire favorisant la transition.

Il est évident qu’avec l’accélération de la transition écologique, la pénurie
de personnel et le besoin de formation, reconversion et requalification va
s’accentuer. Il est donc important d’intégrer, dès aujourd’hui et en fonction
des besoins des secteurs économiques régionaux, ces nouvelles évolutions
techniques, sociétales et réglementaires dans toutes les filières de formation.

Employabilité

Dans sa réponse M 2332 B « étude détaillée sur le chômage », le Conseil
d’Etat s’engage à produire une analyse de données croisées du chômage en
vue d’orienter la politique de formation. L’objective de cette étude sera « de
donner toutes les chances possibles aux nos jeunes quant à leurs orientations
de formation professionnelle et aux demandeur-euse-s d’emploi de trouver
des postes de travail correspondant aux besoins de l’économie ». La présente
motion veut s’assurer que cette analyse porte une attention toute particulière
aux opportunités offertes par la transition écologique et que l’offre en
formation réponde également à ces besoins. 

Dans le contexte de sa réponse à la crise économique engendrée par la
pandémie du coronavirus, le Conseil d’Etat a créé une task force sur
l’employabilité. Cette dernière, chargée de renforcer le soutien à l’emploi par
un travail d’accompagnement des entreprises dans l’évolution de leur modèle
d’affaires, doit intégrer les besoins actuels et futurs du marché du travail au
regard de l’urgence climatique et de la transition écologique.

Le Conseil d’Etat ne peut pas se contenter de répondre à un objectif
d’employabilité à court terme. Anticiper les besoins de formation et de
reconversion en lien avec les objectifs climatiques et environnementaux
serait le gage d’un solide retour à l’emploi pour les travailleurs et
travailleuses des secteurs particulièrement touchés par la crise sanitaire. Or,
ce travail ne peut s’effectuer si les besoins n’ont pas été, au préalable,
évalués.

Anticipation, impulsion, mesures incitatives

Le Conseil d’Etat doit impérativement, en concertation avec les
organisations du monde du travail, évaluer le potentiel de création d’emplois
engendré par la transition écologique, ainsi que les changements de pratiques
induits dans les différents corps de métier. Au regard de l’urgence climatique,
cette étude doit être produite beaucoup plus rapidement que l’étude détaillée
sur le chômage, qui a pris quatre ans pour se réaliser. Il est absolument
nécessaire qu’elle soit disponible le plus vite possible.

L’étude devra, par la suite, se traduire en un programme d’impulsion
ambitieux pour faire évoluer l’offre en formation initiale et continue, pour
répondre au besoin d’adaptation des compétences nécessaire pour amorcer la
transition écologique. Pour cela, l’Etat doit prendre des mesures incitatives,
notamment par la mise à disposition de moyens financiers supplémentaires
pour des bourses, des chèques de formations et des subventions dédiées
spécifiquement à de telles formations et toutes autres mesures utiles pour
réaliser les objectifs de cette motion.