Stéphane Vuille

Tout d’abord, il y a le plan directeur cantonal, que les cantons, comme inscrit dans la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (art. 8), doivent établir avec au minimum les éléments suivants:

  • quel cours doit l’aménagement du territoire suivre,
  • de quelle façon les activités d’aménagement sont coordonnées afin d’atteindre le développement souhaité,
  • une liste de priorités et de moyens de mise en œuvre.

Celui-ci a «force obligatoire pour les autorités cantonales» et doit être revu au moins tous les 10 ans.

Pour Genève, la dernière modification du PDCn a été publiée en 2021 avec pour ambition de nous amener à l’horizon 2030. Il peut être consulté ici:

https://www.ge.ch/document/plan-directeur-cantonal-2030-mis-jour

Pour Genève, il faut noter qu’il ne règle pas seulement des aspects de territoire dans le périmètre cantonal; il aide aussi à la coordination des régions voisines, France et canton de Vaud.

À l’heure de la mise à jour du PDCom de Bernex, quels sont les aspects du PDCn les plus frappants? Le premier, et pas de moindre, est le projet du «Grand Bernex» dessiné en chapitre 4 de la fiche P du PDCn (https://ge.ch/geodata/SIAMEN/PDCn_maj1/PDCn_02_Schema_fichesP_CH.pdf)

Voici, au-delà des mots, le dessin du Grand Bernex imaginé par nos autorités cantonales il y a quelques années:

 

Notez, d’abord en bleu depuis l’autoroute, puis en blanc, la chenille qui travers le territoire nord de la commune; le fameux «boulevard des Abarois» contre lequel vous avez résolument voté en assemblée générale. Alors que le projet Grand Bernex tel que dessiné ci-dessus semble à l’heure actuelle être revu sous une forme plus modeste, il n’en reste pas moins que notre commune est inévitablement la cible d’un fort développement: Saint-Mathieu sort déjà de terre et le quartier de Vailly se précise. Pourquoi «inévitablement»? C’est à cause de deux constatations faites dans le PDCn:

  1. la nécessité de créer chaque année des logements pour assurer une augmentation de population d’environ 1% par an (51’000 âmes entre 2030 et 2040) (page 13 du chapitre «Concept de l’aménagement cantonal»);
  2. Les autorités prévoient aussi un maintien, ou même une augmentation, de la compétitivité économique du canton.

Il y a donc ici une volonté de poursuivre la croissance… mais à quel prix?

Afin d’accueillir la population supplémentaire, le PDCn prévoit une densification du bâti existant (urbanisation vers l’intérieur) et une utilisation très prudente des surfaces d’assolement en construisant de façon dense et compacte à proximité des transports publics. Les surfaces d’assolement – abrégé «SDA» – sont les zones agricoles et les surfaces vertes. La Confédération, dans ses premières remarques sur le PDCn, a exprimé une réserve quant à l’utilisation des SDA prévues qui, dans une première mouture, dépassait en effet le quota autorisé. Le canton a donc revu sa copie, avec le Grand Conseil lui demandant d’intervenir auprès de la Confédération pour faire lever cette réserve. Après une mise à jour de l’inventaire des SDA, le canton a pu trouver quelques dizaines d’hectares afin de garantir le développement prévu du bâti (page 1 de l’introduction au PDCn). Cependant, dans le document «Concept», en page 14, le Canton précise que «le respect du quota cantonal de surfaces d’assolement, fixé il y a bientôt 40 ans, ne permet pas, en l’état, de réaliser» le projet d’agglomération (augmentation des logements et des surfaces commerciales). C’est de là que vient le concept d’urbanisation vers l’intérieur: il faut densifier le bâti existant, comme, par exemple, les zones de villas ou l’ajout d’étages à des bâtiments existants.

Dans ce contexte, je peux revenir enfin sur le plan directeur communal de Bernex, qui doit être en cohérence avec le PDCn. Les travaux de la commission, initiés en début 2021, avec un temps de pause en automne, ont repris en 2022 avec de nouveaux paramètres. En effet, alors que la densification de la zone 5 (villas) était déjà à l’agenda (à finaliser d’ici fin 2022), les communes ont été invitées en automne 2021 à considérer dans leur PDCom les «enjeux liés à la transition écologique» (à consulter ici)

La commission PDCom doit donc relever les défis suivants:

  • Éviter un manque d’ambition dans l’expression des besoins afin qu’il ne soit pas constaté plus tard que nous aurions pu demander plus et que cela aurait probablement été accepté;
  • Comprendre les limites de compétences des communes, avec l’aide des mandataires, et maximiser notre contribution;
  • Diviser le travail en unités gérables par des Conseillers municipaux très sollicités et garder en même temps un ensemble cohérent.

Le PDCom s’articule autour de quatre grandes thématiques:

  • urbanisation,
  • mobilité,
  • espace rural et ouvert,
  • environnement

L’ajout des enjeux liés à la transition écologique aux directives sur la définition d’un PDCom découle du vote sur l’urgence climatique par le Grand Conseil en 2019 et l’adoption du Plan climat cantonal 2030. Elle est déclinée en 6 thématiques:

  • Cohésion sociale et santé
  • Dynamiques économiques locales
  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre et transition énergétique
  • Adaptation aux changements climatiques
  • Préservation, renforcement et valorisation de la biodiversité
  • Patrimoine bâti et paysager, culture du bâti

Dans la conclusion du volet transition écologique de la directive sur les PDCom, le canton est «conscient des changements profonds qu’implique… l’intégration de ces enjeux de transition pour les communes» et «souhaite renforcer la collaboration avec les communes». Dans le contexte d’un Grand Bernex encore présent dans le PDCn, il sera intéressant de découvrir la nature de cette collaboration. En effet, comment pouvons-nous concilier la croissance économique et de la population avec l’urgence climatique?

Afin de se donner le plus de chance d’aller aussi loin et précisément que possible dans ce qui est souhaité pour la commune de Bernex, les membres de la commission ont donc accepté un nombre accru de séance de travail avec des retours réguliers dans les groupes politiques. Nous espérons tous et toutes que ces efforts portent leurs fruits: faire (mieux?) entendre la volonté de la population auprès du canton.

Beaucoup des points soulevés dans le volet transition écologique de la directive sur les PDCom rejoignent les orientations recommandées par les Vert.e.s genevois.e.s dans la récente résolution sur l’aménagement du territoire face à l’urgence climatique.